Comment a démarré l'EMEV, l'entreprise d'événementiel que vous dirigez ? La création de l'EMEV, entreprise privée d'organisation d'événements culturels, économiques et scientifiques, est en soi une aventure et un défi. Beaucoup reste à faire dans le créneau de l'événementiel, un domaine passionnant mais très difficile, pas encore bien ancré dans nos mœurs. Il fallait investir beaucoup de temps et d'énergie sachant que cela n'est pas rentable, du moins les premières années. Cela a demandé de la détermination et de la persévérance pour assurer la continuité étant donné le manque d'accompagnement des institutions et le peu d'engouement pour la chose culturelle. Je tenais avant tout à lancer le Café littéraire et philosophique à Tizi Ouzou, une ville qui ne disposait pas, chose surprenante, d'un espace de ce type. Après mûre réflexion, le projet a pris forme avec le précieux concours de Mme Lila Abdeselam, enseignante à l'université de Tizi Ouzou, et a été soumis au directeur de la Culture de wilaya de l'époque, El Hadi Ould Ali. Ce denier a très vite adhéré à la démarche. Le départ a été donné en mars 2011 avec l'écrivain-poète Youcef Merahi. Avez-vous rencontré des difficultés ? Comme tout projet novateur, les débuts n'étaient pas faciles. On craignait notamment le manque d'adhésion du public. Cela a demandé beaucoup d'efforts. J'ai toujours en mémoire le conseil que m'a donné l'historien Daho Djerbal que j'ai eu l'honneur d'inviter : «Le plus important n'est pas d'entamer un travail en grande pompe, mais faire en sorte qu'il s'inscrive dans la durée». Ces quelques mots que j'ai bien retenus m'ont encouragé à persévérer en dépit des nombreuses contraintes financières ou logistiques. L'EMEV a organisé des journées-évocations de grandes figures de la culture algérienne, Slimane Azem, Cheikh Norredine et Si Mohand Oulhoucine Sahnouni, ainsi qu'un hommage à la grande dame Djoher Amhis Ouksel. Le public, que je remercie chaleureusement ici pour son soutien constant, m'a aidé à maintenir la cadence. Promouvoir le livre et le débat critique constitue notre credo car cela participe à l'éveil des consciences dans un environnement contraignant et peu familiarisé à ce genre d'initiatives. Après le succès et les échos favorables du Café littéraire philosophique de Tizi Ouzou, j'ai décidé de mettre à profit mon expérience au service de la région de Larbaâ Nath Irathen à laquelle je suis profondément attaché. L'accueil du public ne s'est pas épuisé. Comment expliquez-vous son engouement ? Il s'explique par un certain vide culturel qui a pris forme ces vingt dernières années alors que notre région est connue pour être chargée d'histoire. Je tiens à signaler que dans les années 60' et 70', la Fête des cerises constituait un événement majeur. Un travail remarquable a été effectué par la suite par l'association Tafaska n'Si Muhend u Mhend, dirigée par Rabah Guerroudj. Malheureusement, cette dynamique s'est estompée vers la fin des années 90'. Le lancement du Café littéraire et philosophique de Larbaâ Nath Irathen, le 1er novembre 2013, a connu un franc succès. Ce jour-là, nous avions accueilli Eveline Safir-Lavallet (Que Dieu ait son âme) et l'historien Daho Djerbal. D'autres rencontres ont eu lieu par la suite comme en 2014, avec Lynda Ouar intitulée «De Fort-National à Larbaâ Nath-Irathen/Une journée pour redécouvrir la ville», un immense succès aussi. Puis, nous avons créé Le Printemps du Livre, Tafsut N Wedlis, rendez-vous livresque annuel. En 2015, il y a eu, entre autres, la journée d'étude sur l'œuvre de Mouloud Mammeri, marquée par la présence d'universitaires et de chercheurs algériens de haut niveau. Le Café littéraire et philosophique de Larbaâ Nath Irathen a accueilli plusieurs écrivains et spécialistes : Zohra Drif, Ali Haroun, Ahmed Bedjaoui, Hend Sadi, Hamid Grine, Kamel Bouchama, Inaam Bioud, Djoher Amhis, Mustafa Mekidèche, Mahmoud Boudarene, Nacer Djabi, Abderrahmane Djelfaoui… Avez-vous reçu des aides ? Plusieurs particuliers m'ont soutenu dans des périodes difficiles. Je ne pourrai pas tous les citer ici, mais je les remercie profondément. Ma gratitude va aussi à Sami Bencheikh El Hocine, directeur général de l'ONDA, à Assad Si El Hachemi du HCA, Lakhdar Madjen des Ets Eroe, Bouzouane Mehdi, directeur d'un bureau d'affaires, Liams Mode pour leur sponsoring, ainsi que la maison de la Culture de Tizi Ouzou et l'APC de Souama. Je saisis l'occasion pour souligner que nos ressources restent bien en deçà des objectifs visés, à savoir la promotion du livre et de l'activité culturelle en général, et solliciter les institutions concernées, en premier lieu le ministère de la Culture pour un accompagnement de nos projets d'utilité publique. Des moyens financiers sont nécessaires pour pérenniser nos projets qui prennent de plus en plus d'ampleur. Enfin, je lance un appel aux entreprises et à toute personne soucieuse de l'action culturelle. En janvier dernier, vous avez organisé un colloque sur l'histoire de Larbaâ Nath Irathen, votre ville natale... J'y suis très attaché, comme d'ailleurs de nombreuses autres personnes. Déjà, en décembre 2014, nous avions organisé un colloque dédié à Si Amar Ou Saïd Boulifa, penseur et précurseur du combat pour la promotion de l'identité berbère, dont l'œuvre immense est malheureusement peu connue. Cela s'inscrit dans notre démarche que de faire connaître l'histoire locale. Connaître l'histoire de sa région équivaut à prendre connaissance de l'histoire de son peuple. Le colloque At yiraten d'umezruy, les 8 et 9 janvier 2016, à la bibliothèque communale de Larbaâ Nath Irathen a été consacré à des personnalités aussi bien révolutionnaires, artistiques que culturelles qui ont marqué leur époque dont, bien sûr, Cheikh Si Muh u Mhand. Il a vu la participation d'historiens et d'artistes. Une façon pour nous de participer au travail de mémoire. Notons que l'Association Igawawen participe de son côté à l'animation de la vie culturelle. On croit savoir que vous allez lancer un festival de la Montagne. De quoi s'agit-il ? Le festival Montagne'Art a été annoncé le 23 août 2015 au parc Eleni Club à Aboudid, dans la commune de Larbaâ Nath Irathen, un lieu paradisiaque à découvrir, en présence de nombreux artistes et personnalités… Cette première rencontre visait à informer les présents et à recueillir leurs avis et suggestions. Nous voulons y mêler différents aspects : le développement économique et durable, l'écologie, le patrimoine et la culture. Vu la crise pétrolière actuelle, il est salutaire d'anticiper les difficultés à venir. Le chômage prend des proportions grandissantes, il est donc impératif que notre jeunesse prenne conscience des alternatives existantes et valorise le potentiel à sa disposition. Montagne'Art sera une force de proposition pour les pouvoirs publics. La montagne recèle d'énormes richesses agricoles et touristiques, véritables leviers de développement régional, en plus du savoir ancestral qui reste à découvrir et à exploiter au profit de tous. Toutes les contributions sont les bienvenues. Quels sont vos autres projets ? Eh bien, assurer déjà la continuité des activités : le Café littéraire et philosophique de Tizi Ouzou, celui de Larbaâ Nath Iraten, le Printemps du Livre… Et puis lancer Montagne'Art, éditer les actes du Café littéraire depuis ses débuts en 2011, organiser une journée de sensibilisation et de réflexion sur la violence dans les stades (5 avril 2016 à Tizi Ouzou), préparer un colloque sur l'œuvre de Mouloud Feraoun, lancer le Forum de l'Entreprise en mars 2016, entre autres. Il est question aussi de donner la voix à de nouveaux talents dans le domaine de l'écriture littéraire. Vous voyez, ce ne sont pas les projets qui manquent.