Après les privatisations et les Investissements directs étrangers (IDE) sur lesquels avait longtemps reposé l'espoir d'une reprise économique, les pouvoirs publics algériens en sont aujourd'hui à compter sur le partenariat public-privé pour atteindre le même objectif. Il est bon de rappeler que les processus de privatisation et d'investissement étranger en plein essor durant les années 2000 ont été stoppés net par la loi de finances complémentaire, pour l'année 2009 qui mit fin à cette démarche, que l'administration publique et les opérateurs économiques commençaient à maîtriser. Aucune évaluation des processus de privatisation engagés n'avait, à notre connaissance, été effectuée par les autorités concernées pour justifier son subit arrêt et les nouvelles contraintes imposées, notamment aux investisseurs étrangers, désormais soumis à la règle des 51/49. Ces décisions paraissent d'autant plus incompréhensibles que la politique économique en vigueur jusqu'à l'année 2008 reposait sur l'idée, somme toute logique, que le développement économique est avant tout l'affaire des entreprises privées qui offrent l'avantage, contrairement à celles du secteur public, de vivre de leurs seules ressources et d'être réellement soumises à l'obligation de résultats. En privatisant les entreprises publiques sans valeur stratégique, l'Etat est en effet doublement gagnant, en encaissant les recettes des privatisations et en se déchargeant des lourdes dépenses d'assainissements financiers qu'il se devait d'assurer périodiquement à ces entreprises budgétivores. Cette démarche que les autorités politiques algériennes abandonneront en 2009 avait pourtant le mérite d'être cohérente, mais aussi et surtout pragmatique. Aucun pays au monde n'est, en effet, parvenu à relancer une industrie en panne, et encore moins à développer son économie au moyen d'une simple coopération, entre les entreprises publiques et privées. Tous les pays industrialisés et émergents sans exception doivent leur percée économique aux entreprises privées, nombreuses, performantes et de surcroît en constante quête de compétitivité. Il existe certes quelques très rares pays industrialisés (cas de la France) où de grandes entreprises étatiques continuent encore à dominer certains secteurs d'activité (transport de voyageurs, électricité, nucléaire, etc.), mais leurs coopérations avec des sociétés privées qui se réduisent à de simples activités de sous-traitance ne sont pas de nature à influer sur la santé économique du pays, les sous-traitants défaillants pouvant être remplacés à tout moment par des entreprises plus performantes disponibles dans le pays ou dans d'autres contrées d'un monde désormais globalisé. A la veille de la mise en œuvre d'un nouveau modèle économique récemment promis sans autre précision par le Premier ministre Abdelmalek Sellal à l'Assemblée nationale, une source proche du dossier nous apprend que le Partenariat public-privé (PPP) occupera une place de choix dans le dispositif de redéploiement des entreprises publiques économiques, qui seront désormais autorisées à nouer diverses formes d'associations avec les entreprises privées, qu'elles soient algériennes ou étrangères. Il est question que les EPE et leurs filiales soient autorisées à entrer dans le capital social des sociétés privées, de même que ces dernières pourront détenir une part des actions des entreprises publiques. Au gré des intérêts réciproques, le management des entreprises en partenariat pourrait également être confié à l'une comme à l'autre. Pour le grand intérêt de ces entreprises associées, les conseils d'administration seront composés d'administrateurs dont la mission essentielle sera centrée sur l'efficience du partenariat constitué. Toutes ces idées, a priori très séduisantes, seront malheureusement très difficiles à mettre en œuvre sur le terrain tant les contraintes sont nombreuses. En Algérie où les entreprises publiques de grande envergure sont rares et les sociétés privées pour la plupart de taille modeste, on a effectivement beaucoup de mal à imaginer comment asseoir ce type de coopération entrepreneuriale. Les grandes sociétés nationales en activité (Sonatrach, Sonelgaz, SNVI, Cosider etc.) coopèrent depuis longtemps déjà avec des sous-traitants privés strictement cantonnés à leur périphérie, sans réelles possibilités d'interférer dans leurs stratégies et, encore moins, dans leur management global. Sans doute pour des raisons historiques, l'entreprise publique conserve aujourd'hui encore une supériorité de fait sur les sociétés privées qui leur sont, pour une raison ou une autre, assujetties. Les entreprises publiques disposent également de l'avantage de ne pas être soumises à l'obligation de résultats, l'Etat propriétaire étant tenu de les renflouer financièrement en cas de difficultés. Avantage que l'entreprise privée, soumise au risque de faillite et de dissolution, n'a évidemment pas et n'aura sans doute jamais. Une inégalité de traitement aussi criante est de nature à compromettre toute possibilité de construction d'un partenariat durable et fructueux entre ces deux types d'entreprises. Et c'est précisément ce qui explique la rareté des collaborations réussies entre les entreprises du secteur public et le privé. L'autre question importante à résoudre pour donner corps à ce type de partenariat est évidemment le niveau de capitalisation autorisé. Le privé peut il être majoritaire dans le capital social d'une entreprise publique, et dans ce cas elle prendrait le statut de société privée avec toutes les implications juridiques possibles. Le privé est-il tenu de n'avoir que des parts minoritaires dans le capital de l'entreprise publique et, dans ce cas, l'entreprise garderait son statut d'entreprise nationale avec toutes les répercussions négatives que doit subir l'actionnaire privé (pas de droit de regard sur la nomination des dirigeants, injonctions des pouvoirs publics, astreinte au code des marchés et au code pénal, etc.) ? Présenté comme la panacée pour la relance économique, le Partenariat public-privé (PPP) n'est, comme on le constate, pas près de prendre corps dans notre pays tant les pré-requis sont nombreux et difficiles à mettre en œuvre dans l'environnement des affaires qui prévaut en Algérie. L'excès de publicité fait autour de ce partenariat qui fait la part belle aux entreprises publiques relève, de l'avis de nombreux observateurs, en réalité d'un slogan qui cache mal la volonté de certains «barons du secteur public» de préserver de la privatisation ce secteur rentier, budgétivore et structurellement organisé pour ne jamais être compétitif.