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Quel mode de financement pour l'économie algérienne ?
Fonte de la rente des hydrocarbures
Publié dans El Watan le 25 - 01 - 2016

Poursuivant sa chute vertigineuse, le pétrole coûtait mercredi dernier moins cher qu'un baril vide ! A moins de 30 dollars (autour de 22 dollars pour le panier de l'Opep), l'Algérie a déjà basculé dans la zone rouge.
Le Fonds de régulation des recettes (FRR) qui permet d'éponger les déficits publics a jusque-là été constitué par les ventes d'hydrocarbures, mais à condition qu'il soit au dessus de 37 dollars le baril. Sous cette barre aussi, la référence prise en compte pour la constitution de la loi de finances n'a plus de sens surtout qu'à 37 dollars le baril de référence, on était déjà dans le virtuel, selon certains experts.
Le baril à 37 dollars «aurait eu une utilité si cela avait été une contrainte pour la discipline budgétaire», estime Lies Kerrar, expert financier. Or, aujourd'hui «il faut un baril à 108 dollars pour payer les dépenses de la loi de finances 2016».
Dans ce contexte, un baril à 30 dollars sur toute l'année 2016 signifie que «72% des dépenses prévues pour 2016 ne pourront pas être couvertes par les recettes». Une épine dans le pied du gouvernement, contraint de trouver des moyens de financement pour poursuivre les investissements publics, assurer son fonctionnement, et ne pas donner un coup d'arrêt à une machine économique déjà bien enrayée.

A chaque fois que l'occasion lui est donnée lors de la présentation des notes de conjonctures périodiques, le gouverneur de la Banque d'Algérie, Mohamed Laksaci, ne manque pas d'appeler les banques à jouer le jeu du financement de l'investissement.
Régulièrement dans ses recommandations, M. Laksaci insiste sur la nécessité d'augmenter le volume des crédits de qualité destinés à financer l'investissement productif. Mais sur le terrain, ces appels n'ont pas eu d'échos.
Et ce ne sont pas les mesures portant sur la recapitalisation des banques étatiques pour leur permettre d'assurer un rôle plus actif dans le financement de l'économie qui ont manqué au cours de ces dernières années, la tâche s'annonce encore plus dure pour les banques.
Le problème ne se posera pas uniquement pour le privé, mais ce sont également les projets d'infrastructures publiques qui risquent de faire face à la non-disponibilité des ressources pour leur mise en œuvre.
Déjà que de nombreux chantiers ont été reportés faute de moyens financiers. Les chiffres contenus dans la dernière note de conjoncture de la Banque d'Algérie (BA) pour les neuf premiers mois de 2015, même s'ils montrent une évolution de 13,35% des crédits à l'économie au cours de cette période, ce résultat reste faible par rapport à la même période 2014, durant laquelle l'évolution était de près de 20%.
Le montant des crédits accordés au secteur public de l'ordre de 3865 milliards de dinars a enregistré une croissance de 14,28%, alors que cette variation était de plus de 28% entre janvier et septembre 2014.
Pour le financement du secteur privé, le taux était le même autour de 13%. «Eu égard au choc externe “violent”, ce rythme d'expansion des crédits à l'économie ne semble pas être soutenable sans recours de certaines banques au refinancement auprès de la Banque d'Algérie», fait remarquer la note de BA à ce sujet. Cela pour dire que les banques auront des difficultés à financer l'économie.
La baisse des dépôts du secteur des hydrocarbures affaiblit les banques
Quelle alternative face à une telle situation, mais surtout qu'ont fait les banques publiques de leurs surliquidités ? Si pendant des années l'on parlait de la faiblesse des capacités d'absorption de l'économie nationale des sommes disponibles au niveau des banques — ce qui a poussé la Banque d'Algérie à procéder à l'assèchement de la masse monétaire —, actuellement la tendance s'est inversée en raison de la forte baisse des dépôts du secteur des hydrocarbures (avec une baisse de plus de 39% durant les neuf premiers mois de 2015). D'où la nécessité de faire des choix et des arbitrages entre les projets.
«Il est important de faire la différence entre les projets d'infrastructures. Certains vont générer beaucoup d'argent, comme le port et d'autres nettement moins, comme les routes et le tramway, à moins que l'Etat ne donne des compensations importantes, à l'image des stations de dessalement, voire pas du tout dans le cas des écoles, des hôpitaux, etc.», fera remarquer Nour Meddahi, professeur à l'université d'économie de Toulouse.Et de préciser : «Le financement sera plus facile pour les premiers cas».
Dans le même sillage, notre expert proposera l'implication des banques privées dans le financement de projets d'infrastructures «pour éviter une panique bancaire qui prendrait la forme d'un transfert massif de l'épargne privée des banques publiques vers les banques privées». «En plus de donner une prime de 20% aux opérateurs nationaux dans les coûts des projets, nous recommandons une extension de 40% du délai de réalisation des projets. Cela permettra de faire travailler plus les entreprises nationales et de garder plus d'argent dans l'économie du pays», expliquera M. Meddahi.
Changer la politique monétaire de la Banque d'Algérie
Pour le professeur, des changements sont également nécessaires au niveau de la politique monétaire de la Banque d'Algérie et des paramètres de crédits au niveau des banques. Des points déjà suggérés dans une étude intitulée «Quel budget, quel financement ?» élaborée en octobre dernier avec le professeur Raouf Boucekkine, de l'université Aix-Marseille.
«Afin de stimuler l'économie, nous recommandons de stopper au plus tard en juin 2016 le programme de reprise des liquidités, de baisser la rémunération des facilités de dépôts à un taux nul ou négatif, de réduire le taux des réserves obligatoires des banques et leur rémunération, de développer la finance islamique, de permettre aux banques de sortir les anciennes mauvaises créances de leur bilan, et enfin de transférer les prêts type Ansej dans une entité spéciale», avaient par ailleurs recommandé les deux experts dans leur étude.
Pour d'autres, les solutions face à l'amenuisement des ressources financières sont à adopter à différents niveaux, à commencer par le climat des affaires. «Il est nécessaire d'agir, efficacement et vite, au moins sur cinq niveaux.
Le premier est celui de l'urgent et nécessaire retournement du climat des affaires qui devra être fondé sur la facilitation de l'acte d'investir et sur l'assouplissement des procédures et la maîtrise de la bureaucratie. On ne le répétera jamais assez, l'entreprise et l'investissement sont au cœur de la machine économique et nous devons absolument tout faire pour simplifier la vie à cette entreprise. Il y a tellement de choses à faire dans ce registre», résumera Yazid Taâlba, directeur d'Africinvest, pour qui l'ouverture économique est impérative.
Le capital investissement, une solution
«Il faut arrêter de nous considérer comme un pays pris isolément, mais plutôt comme une entité d'un ensemble mondialisé en constante interaction», relèvera-t-il avant d'aborder les questions relatives au financement de l'économie.
«Le troisième point sur lequel il y a lieu d'intervenir est l'accélération de la bancarisation de l'économie en usant des incitations à l'adresse des agents économiques, de la coercition dans certains cas, et en pensant à renforcer la compétition bancaire à travers éventuellement l'incitation à l'introduction sur le marché de nouvelles banques et de nouveaux établissements financiers», dira-t-il appelant à diversifier l'offre de solutions financières.
Comment ? «A travers la promotion de nouveaux modes de financement qui ne sont plus si nouveaux que cela de par le monde mais qui demeurent très peu répandus voire marginaux dans notre économie». Il s'agit du leasing faiblement développé en Algérie, de la finance de fonds propres (le capital investissement et la Bourse des valeurs) et de la microfinance.
«Les fonds de capital investissement jouent un rôle indéniable et vérifié dans la création d'entreprises et l'émergence de champions nationaux et régionaux.
C'est effectivement un levier majeur à actionner et pas uniquement en temps de crise. Nous sommes très en retard dans ce métier et nous nous devons absolument de faire vite car le gap se creuse de plus en plus», expliquera M.Taâlba. Le cinquième axe porte sur le maintien d'une présence financière publique forte «qu'il n'est pas approprié de réduire brutalement et brusquement étant donné l'impact qu'elle a sur notre économie».
Il s'agira pour le représentant d'Africinvest de repenser le financement du Trésor en se délestant de certains dogmes malvenus. «Cela dit, il est absolument urgent d'accompagner ce gros effort par un contrôle rigoureux de l'efficacité de la dépense publique», insiste notre interlocuteur pour qui le facteur temps reste primordial. «Nous devons tous ensemble agir pour revoir notre organisation globale afin d'optimiser l'usage de notre temps qui devra recouvrer sa vrai valeur chez nous», conclura-t-il.
Comme pour rappeler que le non-respect des délais de réalisation est également une autre source de gaspillage de l'argent public. Et ce, au même titre que le dossier de maturation des projets qui n'a pas toute son importance dans notre économie.


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