Alors que la fièvre du scandale de corruption de l'affaire Sonatrach — dans laquelle les principaux inculpés ont reconnu publiquement lors du procès la responsabilité directe de l'ancien ministre de l'Energie, Chakib Khelil — n'est pas encore tombée, d'autres affaires tout aussi nauséabondes éclatent de nouveau à la face du pouvoir. Bis repetita : le nom du ministre de l'Industrie et des Mines, qui avait été cité il y a quelques mois par le site d'information électronique Mondafrique pour l'acquisition d'un logement somptueux dans un quartier huppé parisien, revient au-devant de la scène avec ces nouvelles révélations faites dimanche par le Comité international de journalistes d'investigation (CIJI) sur la détention par Abdessalem Bouchouareb d'un compte bancaire offshore au Panama. Le nom du ministre de l'Industrie figure sur une longue liste de personnalités politiques et mondaines pistées par les journalistes. Cette fois également, comme de coutume, il ne faudrait certainement pas s'attendre à une réaction officielle du gouvernement. On aura tout juste droit à une dénégation de l'intéressé au détour d'une de ses activités et, sans doute, à celle du pompier du pouvoir, le secrétaire général du Fln Amar Saadani, qui s'est autoproclamé avocat du système. Sous d'autres latitudes, une affaire similaire — comme celle de l'ancien ministre du Budget français, M. Cahuzac, pour non-déclaration d'un compte bancaire détenu en Suisse — aurait provoqué un violent séisme au sein du gouvernement et de la classe politique de manière globale. En attendant que la justice se prononce sur ce dossier de fuite de capitaux, le ministre en cause avait été mis en congé spécial pour ne pas entacher la crédibilité du gouvernement français et du président de la République. Dès que sa culpabilité a été prouvée, son limogeage du gouvernement est tombé séance tenante. Anticipant sur la bourrasque qui s'apprête encore à souffler sur sa famille politique et le gouvernement avec ce nouveau pavé jeté dans la mare de l'argent sale, le président Hollande est monté au créneau, hier, menaçant de sévir avec fermeté contre ses amis politiques qui seraient mêlés à ce scandale de corruption internationale. En Algérie, cette philosophie de la pratique politique est étrangère à nos mœurs. La preuve éclatante vient d'être donnée une fois de plus avec l'affaire Chakib Khelil qui a été politiquement condamné et sanctionné à travers son limogeage du gouvernement avant de se voir réhabilité par la même équipe au pouvoir. Pour préserver la cohésion gouvernementale et le président Bouteflika, dont on connaît les liens avec l'ancien ministre de l'Energie, ce dernier aurait bien pu être prié de se mettre en congé du gouvernement en présentant cette décision comme une mesure conservatoire pour permettre à la justice de faire son travail. Cela, tout en manœuvrant dans les arcanes de la justice pour blanchir le ministre. C'est, en démocratie, la règle en la matière. Fort instruit de cette affaire qui a été, politiquement parlant, mal gérée par le pouvoir, il est très peu probable que M. Bouchouareb connaisse le même sort que Chakib Khelil : une disgrâce et une descente aux enfers puis sa réhabilitation en grande pompe. Pas plus qu'il ne faudra s'attendre à sa mise à l'écart provisoire du gouvernement – pour suspicion légitime – en attendant de faire la lumière sur son implication ou non dans le scandale dans lequel son nom est cité alors qu'il était déjà membre du gouvernement. De la même façon qu'il serait vain de croire à une auto-saisine de la justice concernant ce dossier. On confond volontairement présomption d'innocence et impunité. L'aveu d'instrumentalisation de la justice par le pouvoir est venu d'un homme lige du système : Ahmed Ouyahia, chef de cabinet à la Présidence, qui a reconnu que l'ancien procureur de la République d'Alger, limogé suite à cette affaire, a agi «sur instruction d'en haut». Même si l'on cherche, dans les sphères du pouvoir, à faire porter le chapeau de cette comédie à l'algérienne à l'ancien ministre de la Justice, M. Charfi, limogé lui aussi dans le sillage de cette affaire, il est illusoire de croire que vu l'enjeu politique, le ministre de la Justice ait un mot à dire dans un dossier hautement sensible qui touche à un homme du pré carré présidentiel. En Algérie, les protégés du système peuvent dormir sur leurs deux oreilles. Mais ils ne sont pas pour autant à l'abri des juridictions étrangères qui peuvent les rattraper et leur demander des comptes.