Réalisé par Alain Tasma, le film met en scène des personnages imaginaires, à l'exception du sinistre préfet de police Maurice Papon. Sorti le 19 octobre 2005 en salles, il n'a pas connu un grand succès commercial. Il est vrai qu'il avait déjà été diffusé sur Canal+ en juin. Mais sa réussite est d'avoir contribué à briser la chape de silence qui entourait l'événement. Des publics divers ont ainsi découvert cette nuit atroce où des Algériens furent battus à mort ou jetés dans des sacs à la Seine. Le film ne cesse d'ailleurs de parcourir les festivals et peut-être connaîtra-t-il un destin similaire à celui de La Bataille d'Alger, encore diffusé partout dans le monde entier ? Nuit noire revient ainsi des 4es journées cinématographiques de Beyrouth (16-23 septembre 2006) où il a touché les spectateurs dans une conjoncture encore marquée par l'agression israélienne du Liban. Il était auparavant aux festivals internationaux de Dubaï, Rotterdam, Rennes, Londres et Washington, engagé ainsi dans une tournée mondiale. Le film contribue ainsi à la dynamique de dévoilement d'un passé encore sensible comme en témoigne « l'épisode de la colonisation positive ». Le cinéma français est resté longtemps muet sur la période coloniale. Quand il lui était arrivé de franchir le pas, il était frappé de censure ou boudé par les distributeurs. Aujourd'hui, encouragé par l'évolution des mentalités, les nouvelles générations « qui veulent savoir », le travail des historiens et le débat sur la torture qui a servi de déclic (on ne remerciera jamais assez Louisette Ighil Ahriz pour cela), il investit de plus en plus cette période longtemps honnie de la mémoire hexagonale, comme l'a durement vécue le réalisateur René Vautier. Ce n'est plus le cas actuellement où se multiplient les projets cinématographiques consacrés à la Guerre d'Algérie. Après Mon colonel de Laurent Herbier, produit par Costa-Gavras et tourné à Sétif, voilà annoncé L'ennemi intime de Florent Emilio Siri où Mohamed Fellag donne la réplique à Benoît Magimel. Tourné également au Maroc, comme Indigènes, ce dernier film est homonyme à l'émission, dont la diffusion télé avait provoqué de nombreuses polémiques en France et en Algérie. Explication : un même scénariste, à savoir Patrick Rotman, qui s'impose décidément dans la cinématographie française sur la guerre d'Algérie. En effet, après avoir co-signé le livre Les porteurs de valises, il est aussi le co-scénariste de Nuit noire et le co-réalisateur avec Bertrand Tavernier du documentaire La guerre sans nom (1992) sur les appelés français. On peut se réjouir que le cinéma français aborde cette période avec plus de liberté et un intérêt soutenu. On ne peut que déplorer cependant l'état famélique de la production cinématographique nationale qui devrait elle aussi, entre autres sujets, traiter de la colonisation et de la guerre de libération, de manière vivante et professionnelle, et surtout attrayante pour un jeune public qui n'en connaît que les sèches versions scolaires.