L'événement tant attendu par les mélomanes et les adeptes du chant sacré vient de se produire dès la première journée du forum. Alors que les conférences programmées durant la matinée n'auront pas drainé les foules, les soirées dédiées à la musique et aux incantations soufies parviendront à combler les plus sceptiques des spectateurs. En effet, face à la défection de quelques conférenciers étrangers et nationaux, l'ouverture du forum aura été laborieuse. Intervenant au nom de l'université, le doyen de la faculté des lettres n'omettra pas de rappeler la richesse spirituelle de la ville de Cheikh El Alawi. Les conférenciers, ayant intervenu durant cette première journée, donneront quelques éclairages sur la pratique du soufisme et du samaâ. La soirée musicale sera entamée par une longue séance d'incantations et de louanges entonnées en chœur par des disciples de la zaouïa Bouzidia. Ensuite, ce fut le tour de l'ensemble andalou Nadi El Hilal qui interprétera un florilège de textes et de modes musicaux, qui constitueront la grande originalité de l'œuvre préparée depuis plusieurs mois par les sociétaires du Nadi. A l'origine de ce cocktail, il y a l'incontestable maestria de Djilali Benbouziane, le directeur artistique de l'association, qui fera montre d'une très grande sobriété et d'un souci sans faille de bien faire. De l'avis des connaisseurs, il aura largement réussi dans sa mission. Il entamera sa partition par un istihlal dans le mode gharnati marocain qu'il fera suivre par El waw el waw de Cheikh El Alawi dans le pur style du neqlab maghrébin. C'est par un m'cedder rasd dil qu'il fera la transition vers le genre samaâ de l'école mostaganémoise, s'appuyant sur un texte poétique quasiment inconnu jusque-là du poète Sidi Ahmed Ben Abdelhay. Après une belle et douce transition par un maqam hidjaz, la nouba entamera un neqlab zidane avec Ya farid el wasf, un texte de Kaddour Benslimane, le célèbre auteur de Sidi Belkacem. Le répertoire de l'Orient sera également visité, à la grande joie des troupes syriennes et irakiennes présentes à ce forum. C'est sur un texte de la poétesse soufie Ibn Merzouka que la troupe ponctuera sa prestation qui aura réussi le tour de force d'offrir une véritable mosaïque entre les textes et les modes musicaux du Maghreb et de l'Orient. Cette offrande qui ne laissera insensible aucun spectateur n'aura été possible sans la parfaite maîtrise instrumentale et vocale des artistes mostaganémois. Avec une mention particulière à Sara Nouara et au jeune et talentueux Khaled Mezouani, deux purs produits du Nadi qui n'ont pas tout dit. La dernière partie de la soirée sera consacrée à la troupe des derwiches tourneurs de Damas qui, après une douce et inhabituelle interprétation de versets coraniques, nous fera langoureusement emprunter les mélodieux sentiers qui mènent à l'extase. Servi par une voie de stentor, un jeune soliste subjuguera son auditoire par le rythme tantôt langoureux tantôt emporté qui permet de monter en cadence sans fioriture aucune. Jusqu'à l'instant tant attendu où les derwiches tourneurs, religieusement assis sur les flancs de la troupe, se lèvent majestueusement pour entamer leur tour de danse face à un public en pleine méditation. C'est dans une parfaite communion entre les musiciens et les danseurs que le moment le plus fort du spectacle est atteint. Harmonieusement, le corps se laisse emporter par la musique jusqu'à l'instant béni où les points de repères disparaissent pour fusionner en un spectacle où l'étourdissement s'invite. Lorsque le spectacle atteint son paroxysme et que musique et rythmes se fondent dans la gestuelle des danseurs, l'extase n'est pas loin. Assurément, le spectacle offert par la troupe syrienne est un vrai travail d'orfèvre.