Alors que les autorités et les partis de l'alliance accusent la France d'avoir porté atteinte à la souveraineté de l'Algérie, le sulfureux secrétaire général du FLN, Amar Saadani, se mure dans le silence. Certains affirment qu'il est en soins en France, qu'il a été rappelé à l'ordre par ses maîtres, alors que d'autres n'hésitent pas à faire le lien entre cette disparition des radars, sa fortune en France et le scandale Panama Papers. Alors qu'il multipliait les sorties médiatiques, ouvrant plusieurs fronts en même temps à travers des attaques violentes contre des chefs de parti, des personnalités civiles et militaires, des ministres et hauts cadres de l'Etat, voilà que Amar Saadani brille par son absence. Il se mure dans un silence étrange au moment où le Premier ministre français, Manuel Valls, dès la fin de sa visite à Alger, a enflammé la scène politique algérienne en publiant une photo du président Bouteflika, ravagé par la maladie. Alors qu'il avait habitué l'opinion publique à des déclarations aussi sulfureuses que polémiques, tout le monde s'attendait à une réaction de sa part, en tant que secrétaire général du FLN, le parti de Larbi Ben M'hidi et de Didouche Mourad, pour ne citer que ces martyrs de la Révolution. Mais Saadani n'a pas donné signe de vie. Pourquoi se tait-il à ce moment précis ? Ne se sent-il pas concerné par les «attaques à la souveraineté nationale» ? Hocine Khaldoun, chargé de la communication au FLN, explique : «Le secrétaire général est absent. Lorsque la délégation française est arrivée à Alger, il était en Chine.» Une réponse peu convaincante, sachant que cette visite, en réponse à l'invitation du Parti communiste chinois, avait pris fin au moment même où Manuel Valls avait publié la photo du président Bouteflika. «En fait, Saadani n'est pas rentré au pays. Il est parti ailleurs pour des soins parce qu'il est malade. Nous sommes en contact avec lui. D'ailleurs, le FLN a été le premier parti à avoir réagi, par le biais de son chargé de communication qui a rendu publique une déclaration», déclare Khaldoun, nous laissant sur notre faim après avoir lui-même mis l'accent sur les «contacts permanents» entre le secrétaire général et les instances du parti. Et à ce titre, Saadani aurait pu réagir de là où il se trouve. Des sources bien informées expliquent ce silence par trois réponses. La première renvoie à son état de santé. «Amar Saadani traîne une lourde maladie qui l'oblige à se rendre au moins une fois par mois en France pour se faire soigner», précisent nos interlocuteurs. La deuxième réponse est : «En raison de ses nombreuses maladresses, Amar Saadani a été rappelé à l'ordre par ceux-là mêmes qui lui soufflaient les déclarations enflammées contre ses détracteurs.» «Il a été rappelé à l'ordre. On a exigé de lui de faire le dos rond et de se faire oublier. De toute façon, la mission qu'on lui a confiée a été bien accomplie», souligne notre source. D'autres observateurs ne partagent pas cette thèse. Pour eux, le silence de Saadani doit être lié à l'affaire Panama Papers et à sa relation avec la France. «Saadani a disparu des radars depuis les premières révélations des Panama Papers. Lui-même a acheté des biens en France alors qu'il n'avait aucune activité sur le sol français. Sa société immobilière a été créée à Paris, en 2009, moins de deux ans après avoir été président de l'Assemblée nationale. Il doit savoir qu'un jour ou l'autre, son nom finira par être éclaboussé. Il fait le dos rond de peur d'accélérer le processus. Les Français doivent savoir beaucoup de choses sur lui», révèlent nos sources. Cette thèse semble la plus plausible pour l'instant. Amar Saadani a érigé une fortune colossale, investie surtout en France, pays qu'il affectionne particulièrement et qui partage sa position sur la question sahraouie. L'on se rappelle de sa déclaration virulente appelant l'Algérie «à lever la main sur ce dossier». En clair, le secrétaire général rallie la position du makhzen et appelle les autorités algériennes à abandonner le peuple sahraoui à l'occupation marocaine. Mieux encore : en 2013, lorsque le drapeau algérien avait été décroché du haut d'un de nos consulats au Maroc par un jeune Marocain et alors que l'acte avait été énergiquement dénoncé par les autorités algériennes, Saadani n'a pas trouvé mieux que de déclarer l'incident comme «un non-événement». Autant de déclarations qui démontrent ses accointances avec l'étranger, accusé aujourd'hui, aussi bien par les autorités que par les partis de l'Alliance présidentielle de «porter atteinte à la souveraineté nationale». En se murant dans un silence de mort, Amar Saadani laisse planer le doute sur ses relations avec la France, l'ancienne puissance coloniale contre laquelle l'historique FLN a mené une révolution qui a marqué le XXe siècle, pour arracher l'indépendance de l'Algérie au prix de millions de martyrs. Son silence en cette période cruciale est plus que compromettant…