Revigorée par son récent plébiscite à la tête du parti, la secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), Mme Louisa Hanoune, est revenue, hier, longuement, à l'ouverture de la première session du comité central issu du congrès extraordinaire de Zéralda, sur le fameux tweet du Premier ministre français, Manuel Valls, montrant un président de la République affaibli et dont l'image a suscité une vague d'indignation chez les Algériens, notamment sur la Toile. "Ce n'est pas un accident, c'est délibéré. C'est un précédent grave !" a estimé Louisa Hanoune dans son allocution d'une heure et demie à l'ouverture des travaux au Village des artistes, à Zéralda, à l'ouest d'Alger. Même la photo publiée en Une du prestigieux quotidien du soir Le Monde, le jour de la publication du scandale de l'évasion fiscale Panama Papers, "procède de la provocation et de la pression", ajoute-t-elle car "la France, asphyxiée financièrement, a besoin de contrats et de marchés". "Valls est venu pour se servir, obtenir des contrats. Les Français bavent devant le marché algérien", soutient-elle encore. À l'inverse de la partie française, Louisa Hanoune ne croit pas à l'argument de la "liberté de la presse". "Foutaise !" s'exclame-t-elle. "La presse française respecte la raison d'Etat", dit-elle encore. Dès lors, elle ne manque pas de s'interroger sur les motivations sous-jacentes, au-delà des visées économiques, de "cette opération politique fomentée". "C'est une opération politique fomentée, des représailles. On n'est pas loin de la menace. C'est une agression délibérée", soutient-elle. "Que prépare-t-on pour l'Algérie ? Un Chalabi (opposant à Saddam Hussein placé par les Etats-Unis à la tête du Congrès national irakien pour justifier l'invasion), un Karzai (ex-président afghan, proche des Américains) ?", demande Louisa Hanoune, non sans faire aussi quelque parallèle avec la fameuse histoire de l'éventail qui avait donné motif à la France de coloniser l'Algérie. Mme Hanoune, qui a souvent épargné le président Bouteflika, même si elle a souvent critiqué certaines de ses orientations économiques et politiques, estime que le "fait que le président Bouteflika refuse d'abdiquer (face aux pressions étrangères), c'est une résistance". "Tout le monde sait qu'il est malade, les Algériens, qui ont voté pour lui, le savent, mais c'est une affaire strictement algérienne. Si ça ne nous plaît pas, c'est à nous de bouger pour trouver des solutions, mais algériennes. Mais nous n'acceptons pas des responsables venus par la grâce des chars." "Quels que soient la complexité et le climat politique qui est en convulsion permanente, nous n'acceptons pas l'ingérence", répète-t-elle, sous un tonnerre d'applaudissements. Même si elle admet l'existence de "dysfonctionnements" et de "failles" au sein des institutions, cela ne saurait, aux yeux de Louisa Hanoune, constituer un justificatif à la provocation du Premier ministre français. "Si nous la justifions, on prépare le terrain à la mise sous tutelle du pays. Nous ne sommes pas la Côte d'Ivoire, ni le Sénégal. L'Algérie a arraché son indépendance", martèle-t-elle. Tout en observant que la loi sur la santé "pénalise la maltraitance d'un malade", autant en Algérie qu'en France, l'ex-candidate à l'élection présidentielle estime que Manuel Valls "a commis un crime". "Ce sont des pratiques indignes de tout Etat. Cette dérive officielle française traduit la gravité de la crise en France. Ils n'arrivent pas à maîtriser leur réaction." Evoquant la situation sécuritaire du pays, Louisa Hanoune a appelé à une mobilisation autour de l'ANP et des services de sécurité, tout en exhortant, cependant, le gouvernement à régler les problèmes, approche de nature à "renforcer les ressorts de la société". Elle a également invité l'Etat algérien à ne pas "accepter la dérive" dont est responsable le ministre de l'Industrie, Abdeslam Bouchouareb, qui a procédé au limogeage du P-DG de Batimetal et pour lequel le PT a exprimé sa solidarité. "Ces provocations traduisent la politique de la terre brûlée", selon elle. Par ailleurs, elle considère les révélations de l'ex-président du Conseil constitutionnel, Mohamed Bedjaoui, selon lesquelles c'est lui-même qui a introduit Pierre Falcone, un personnage sulfureux, auprès des autorités algériennes, comme "une confirmation de la mafiotisation des institutions". Avant de conclure son allocution, Louisa Hanoune n'a pas manqué d'interpeller la justice algérienne, appelée à agir après les multiples scandales, dont Panama Papers, qui éclaboussent les institutions. "La justice est devant un choix historique", dit-elle comme pour suggérer que l'absence de justice alimente la colère du peuple que nul ne peut prédire. Et à ses détracteurs, elle rappelle le credo immuable du parti : "On milite pour la souveraineté du peuple. Le PT est souverain dans ses positions. On met en garde contre la destruction du caractère social de l'Etat. On mènera la guerre contre la prédation interne et externe." Karim Kebir