L'action en référé introduite par le ministère de la Communication auprès du tribunal de Bir Mourad Raïs (Alger) contre le rachat du groupe El Khabar par une filiale du groupe Cevital sera examinée aujourd'hui. S'exprimant jeudi dernier à Constantine, le ministre de la Communication, Hamid Grine, a indiqué que son administration est «dans son droit de s'opposer à toute transaction qu'il estime non conforme à la loi». Selon lui, toute «transaction financière de ce genre est subordonnée à un certain nombre de lois. Il y a l'article 25 du code de l'information (non-cumul de publication d'une même périodicité, ndlr), mais il y a aussi les articles 16 et 17 qui stipulent que l‘agrément est incessible et qu'en cas de vente ou de cession de la publication périodique, le nouveau propriétaire doit en demander un nouveau, ainsi que d'autres articles». Khaled Bourayou, avocat d'El Khabar, considère que l'opération de rachat «s'est passée dans la légalité». «Nous considérons que la transaction (cession d'une partie du capital du groupe El Khabar) est légale et n'est en aucun cas en violation avec les dispositions de la loi sur l'information. La cession partielle n'est pas en contradiction avec l'article 25 du code ou tout autre disposition de ce texte», indique l'avocat. Se constituant aujourd'hui dans l'affaire avec son confrère Benhamouda Salim, Me Bourayou s'interroge sur les intentions du département de Grine en s'opposant à l'achat : «On se demande par quel artifice le ministère s'oppose à cette transaction alors qu'il n'en a pas la qualité juridique.» «Freiner l'ascension de Rebrab» Des observateurs indépendants de la scène médiatique s'étonnent de la décision du ministère de la Communication. Directeur de Mena Media Monitoring, une ONG spécialisée dans le monitoring des médias, Amirouche Aït Nedjaa est catégorique : «L'affaire du rachat est purement politique.» «L'article 25 du code de l'information ne s'applique pas à la transaction conclue entre les deux personnes morales (groupe El Khabar et Nesprod, filiale du groupe Cevital). Le quotidien Liberté n'appartient pas à une même personne morale. L'objectif des décideurs est de bloquer l'ascension d'un grand investisseur qui a reçu des prix d'excellence, Issad Rebrab en l'occurrence. C'est bien d'appliquer les textes de loi, mais il faut voir que des hommes d'affaires qui détiennent plusieurs entreprises de presse sans être inquiétés», s'offusque Aït Nedjaâ, dont l'ONG est basée à Tunis. Et d'ajouter : «Le groupe El Khabar est très important. Si ce groupe est racheté par Rebrab, c'est une grande partie de l'opinion qui échappera au pouvoir.» Me Aïssa Rahmoune, vice-président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (LADDH), parle de «scandale» d'autant plus que la décision du ministère intervient à l'occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse et à un moment où des ONG classent l'Algérie aux dernières places en matière de liberté d'expression. «La loi sur l'activité audiovisuelle prévoit des mécanismes qui permettent le transfert du capital. Ce n'est pas au ministère de la Communication d'arrêter la procédure de rachat ni même de poursuivre en justice les parties au contrat», estime le juriste, qui fait remarquer que le département de Grine est permissif avec des «lobbies financiers» qui possèdent des chaînes de télévision non agrées et plusieurs quotidiens d'information. Selon Me Rahmoune, l'objectif de cette décision «absurde» du ministère est «le musellement des médias et le contrôle de l'information et de la ligne éditoriale des organes libres». Rappelant le retard pris dans la mise en place de la loi d'application pour les textes législatifs déjà adoptés, le vice-président de la LADDH craint que les récentes actions des autorités aboutissent à «des lendemains malheureux pour les médias». Selon Me Bourayou, avocat d'El Khabar, le procès opposant le ministère au groupe arabophone se tiendra «probablement» le 9 mai, après la consultation par la partie du dossier de fond.