S'endettera, s'endettera pas…? Entre une politique de désendettement érigée en dogme depuis près de 15 ans et la fatalité d'un épuisement inexorable des réserves de change, la question du retour aux financements extérieurs semble désormais tranchée. Il ne s'agit plus en effet que d'en fixer les échéances et les modalités, car comme l'anticipait si bien le Fonds monétaire international (FNI) dans son tout dernier rapport, l'Algérie, comme ses consorts du Golfe, ne disposerait bientôt d'aucune marge de manœuvre pour financer ses dépenses courantes. «Quand le baril de pétrole était à plus de 100 dollars, l'Etat avait déjà du mal à équilibrer son budget, que dire aujourd'hui alors que le brent n'est plus qu'à 50 dollars», ironise à ce propos un haut cadre de la Banque d'Algérie. Et de fait, les mises en garde et les anticipations du FMI indiquent tout simplement qu'avec un déficit budgétaire qui caracole à près de 15% du produit intérieur brut (PIB) et des cours pétroliers mondiaux qu'aucune prévision ne donne à plus de 50 dollars à court et moyen termes, l'Algérie n'a désormais guère d'autre choix que d'envisager son retour à l'endettement extérieur pour couvrir ses dépenses publiques. Une fatalité qui vient ainsi tordre le cou au mythe d'un désendettement total et d'une rupture définitive avec les emprunts extérieurs. Un mythe que le pouvoir en place n'a cessé de nourrir tant que persistait la rente du pétrole, en le présentant tantôt comme une prouesse née d'une grande clairvoyance économique, tantôt comme un épouvantail qui viendrait menacer à nouveau la souveraineté du pays. Pourtant, à l'époque même des remboursements anticipés, soit au milieu des années 2000, des voix s'élevaient déjà pour critiquer non pas le règlement de certaines mauvaises dettes — celles trop coûteuses en service en l'occurrence — mais l'absence d'idées et de projets de développement auxquels auraient pu servir ces surplus d'argent que les pouvoirs publics avaient ainsi consommé dans le paiement de crédits non encore échus. Et l'on en est justement là aujourd'hui… Les 15 années de rente et d'aisance passées n'ont accouché d'aucun modèle de croissance ou de développement qui serait viable en hors pétrole et gaz. Et c'est la mort dans l'âme que le gouvernement s'apprête désormais à renoncer lui-même à ses dogmes de non-retour à l'endettement. «Un nouveau mode de financement de l'économie» qui ciblerait «les ressources du marché», «les épargnes disponibles» et «des financements extérieurs préférentiels», c'est-à-dire les moins coûteux possibles, a ainsi été entériné à l'issue de la dernière réunion tripartite comme seule réponse immédiate à la crise des finances publiques. En soi, nous enseignent des économistes, l'endettement extérieur n'est pas une mauvaise chose, les économies les plus compétitives de la planète — l'américaine en tête — étant les plus endettées. Le recours aux emprunts extérieurs, estiment-ils encore, peut même être considéré comme une source de collecte de capitaux en situation de tarissement des ressources propres. Le tout est donc de savoir à quoi profiteraient les futurs financements externes et dans quels termes ils seront négociés. La bonne gouvernance économique faisant malheureusement défaut, il y a fort à craindre que l'endettement alimente davantage les dépenses courantes et les importations que d'éventuels projets structurants d'investissements productifs. Un scénario qui précipiterait alors le retour du pays à une posture de cessation de paiement, avec en prime un statut de débiteur lourdement endetté.