Le ministre des Finances, Hadji Baba Ammi, a indiqué la semaine dernière au Sénat que la loi de finances 2017 comportera de nouvelles dispositions permettant d'améliorer les taux de recouvrement fiscal. - D'après vous, quelles seront les mesures susceptibles de contribuer au relèvement des niveaux de collecte de l'impôt ? La situation économique et financière difficile que traverse actuellement l'Algérie fait que la fiscalité ordinaire soit à l'ordre du jour afin de compenser le manque à gagner de la fiscalité pétrolière en raison de la baisse des exportations des hydrocarbures. La façon dont les pouvoirs publics vont procéder est déterminante car il y va de l'équilibre budgétaire, compte tenu du niveau élevé des dépenses publiques. Faudra-il procéder à une véritable refonte du système fiscal algérien, ou bien se contenter uniquement de quelques ajustements ? Si c'est ce dernier aspect qui est privilégié, la question de l'efficacité du recouvrement fiscal est une préoccupation de l'administration des impôts, dès lors que les types d'impôts et les quotités y afférentes ne changent pas. Vu sous cet angle, il est clair que les résultats auxquels l'on s'attend seront en deçà des espérances car la fiscalité est l'un des grands chantiers auquel doit s'attaquer en priorité le gouvernement, dans le cadre d'une nouvelle approche économique d'ensemble, détachée de l'économie de rente. Demander aux collectivités locales de se débrouiller des ressources financières ou aux entreprises d'investir sans disposition incitative, tout en gardant le système fiscal en l'état, sera difficile, de même que d'asseoir une base économique productive et d'initier un développement durable. - Faut-il s'attendre à de nouvelles pressions fiscales sur les contribuables, à l'heure où les fortunes qui prospèrent dans les circuits informels de l'économie ne semblent point inquiétées ? A défaut d'une réforme fiscale en profondeur, portant sur les différents codes des impôts et des procédures, ce sera toujours les salariés qui subiront la pression fiscale, car l'impôt sur le revenu global (IRG) est prélevé à la source. Mais comme le recouvrement fiscal semble montrer des limites pour un certain nombre de raisons, l'évasion fiscale demeurera conséquente tant l'omniprésence du secteur informel dans le tissu économique est avérée. Par ailleurs, les changements opérés en matière de taxe foncière dans la loi de finances complémentaire 2015 ne sont pas mis encore en application, et apporteront certainement un plus à la fiscalité ordinaire. L'objectif recherché est surtout d'élargir la base imposable afin de limiter la pression fiscale. Il est peut-être opportun de revoir la fiscalité indirecte et la fiscalité douanière, susceptibles de contribuer efficacement à l'amélioration des ressources financières de l'Etat. - Selon des données de la direction générale des impôts, le taux de recouvrement fiscal en Algérie ne dépasse pas les 12 à 13% annuellement. D'après vous, à quoi sont dus ces faibles taux de recouvrement ? Ces chiffres concernent plus le taux de croissance annuel du recouvrement fiscal en Algérie, qui s'améliore certes mais reste relativement problématique. Plusieurs raisons peuvent être avancées, parmi lesquelles la faiblesse en moyens humains, le manque de qualification, l'absence d'informations économiques et financières relatives aux opérateurs économiques, etc. A titre d'exemple, il est rare de trouver une commune capable de connaître avec précision le nombre d'entreprises localisées sur son territoire, les fichiers des services des impôts ne sont pas toujours à jour, etc. Le ministère des Finances s'est rarement attelé à se rapprocher des contribuables grâce à une administration fiscale moderne, structurée, efficace, dans les procédures et proactive. - Le précédent ministre des Finances, Abderrahmane Benkhalfa, a indiqué récemment que 99% des recettes fiscales de l'Etat proviennent de 12 wilayas seulement. Quelle lecture pouvez-vous en faire ? Si ces chiffres sont avérés, il y a à mon sens un problème de fond qui est posé, celui de l'aménagement du territoire. Autrement dit, il existe une inégale répartition de l'activité économique et de la croissance au bénéfice de quelques wilayas (notamment Alger, Blida, Oran, Sétif, Bordj Bou Arréridj, Béjaïa, Tizi Ouzou, Boumerdès). Celles-ci sont alors à l'origine de la plupart des impôts versés à l'Etat du fait justement de l'implantation d'un grand nombre d'entreprises publiques et privées. Le second problème est lié au recouvrement fiscal qui, dans ces wilayas, est également performant grâce à un potentiel humain qualifié et structuré. Le troisième problème se rapporte à l'évasion fiscale. Cela dénote de l'ampleur du problème dans toutes les wilayas. Mais cela ne relève pas uniquement de la responsabilité de l'administration fiscale.