L'Instance de concertation et de suivi de l'opposition (Icso), qui comprend aussi bien les partis réunis au sein de la Coordination pour les libertés et la transition démocratique (CLTD) que ceux regroupés au sein du Pôle des forces du changement coordonné par le président de Talaie El Houriat, Ali Benflis, sera en réunion aujourd'hui au siège du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD). Dans un contexte politique difficile, où le pouvoir a réussi à fermer tous les espaces d'expression en usant de l'arbitraire et de la répression, l'opposition devrait faire preuve d'ingéniosité pour réinventer les moyens de sa survie. Hormis la mise en place de la CLTD, du Pôle des forces du changement, puis de l'ICSO, et le rendez-vous symboliquement historique du 10 juin 2014 où toute l'opposition se retrouva à Mazafran I, les positions des uns et des autres n'ont pas évolué depuis. Il est vrai que l'adversité du pouvoir conjuguée à la désaffection des Algériens de la chose politique laissent peu de marge de manœuvre à l'opposition, mais il n'y a pas que cela. La CLTD et, cela va de soi, l'ICSO ont été aussi traversées par des contractions et des conflits dont certains de leurs acteurs auraient bien fait l'économie. Il y a eu d'abord cette histoire du Mouvement de la société pour la paix (MSP) qui est entré en négociation avec le pouvoir en rencontrant un de ses représentants, le chef de cabinet de la Présidence et secrétaire général du Rassemblement national démocratique (RND), Ahmed Ouyahia. L'initiative avait fait grimacer les partenaires du parti islamiste dont le président, Abderrazak Makri, avait opposé aux reproches qui lui ont été faites l'argument de la liberté d'action en disant que sa rencontre avec le collaborateur du chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, n'engageait en rien le reste du groupe. M. Makri a été rappelé à l'ordre, mais étant assis sur deux chaises et évoluant sur une corde raide, il continuera à souffler le chaud et le froid et ne manquera pas de revenir à la charge dans de récentes déclarations pour le moins étonnantes sur sa prédisposition à négocier avec le pouvoir. Le président de la formation islamiste, menacé par une frange de son parti prête à faire revenir ce dernier dans le giron d'une éventuelle alliance présidentielle aux côtés du Front de libération nationale (FLN) et du RND, éprouvera du mal à s'engager pleinement avec une opposition qui revendique tout simplement le départ du régime en place par le biais d'un «retour à un processus de ‘‘relégitimation'' des institutions de l'Etat par des élections». L'ambivalence du discours et des positions de Abderrazak Makri ont de quoi faire perdre le fil à une opposition qui cherche à donner plus de cohésion et de sérénité à ses actions. Ce sont vraisemblablement les inconséquences des uns et des autres qui ont poussé Jil Jadid de Soufiane Djillali, dont le discours radical vis-à-vis du pouvoir tranche avec une certaine mollesse de quelques partenaires politiques, à claquer la porte de la CLTD tout en restant membre de l'ICSO. Le Pôle des forces du changement a connu lui aussi une défection. C'est le mouvement El Islah qui a décidé de s'en séparer pour des raisons, disent ses responsables, «d'incompatibilité» des visions et certainement des objectifs aussi. Etonnant repositionnement de ce parti islamiste qui n'a pas, pour autant, déserté les rangs de l'ICSO. C'est dans cette ambiance que sera donc tenue aujourd'hui la rencontre de l'opposition au siège du RCD qui n'a d'ailleurs pas un ordre du jour précis. Selon une source de l'opposition, le menu portera sur la situation politique générale et «il pourrait être modifié à la demande des participants». S'il est clair que certaines questions, comme les dernières lois votées par le Parlement ou celles qui s'apprêtent à être prorogées par d'autres canaux, par ordonnance présidentielle, seront débattues, l'opposition abordera certainement d'autres dossiers sur lesquels elle ne peut faire l'impasse : les tiraillements et les contradictions qui la traversent et surtout les prochaines élections législatives qui approchent à grands pas. Certains partis islamistes cesseront-ils de jouer les trouble-fête en mettant deux fers au feu ? L'opposition politique joue assurément sa propre survie et sa crédibilité. Les prochaines élections législatives et locales constituent pour elle une opportunité inouïe afin de constituer un rapport de force qui travaillerait en sa faveur. Il était temps que ses acteurs laissent de côté leur égoïsme pour privilégier l'objectif commun, celui de constituer une véritable alternative au pouvoir en place. En rangs dispersés, ils perdront assurément le contrôle du processus électoral à venir et finiront pas disparaître sous les coups de boutoir d'un gouvernement qui refuse toutes leurs revendications. L'enjeu des prochaines échéances électorales donnera des forces à l'opposition ou signera son arrêt de mort.