Le choc à peine dépassé du 4e mandat, les partis et le régime se préparent à entamer des négociations ou à s'imposer des lignes de fractures. La rentrée politique s'annonce tumultueuse. Analyse. La trêve estivale tarde à se concrétiser. Partis politiques et pouvoir s'activent dans le cadre dans la recomposition de la scène nationale qui se profile et qui est déjà discrètement opérante au sein du système et de ses appareils sécuritaires. Recomposition qui devra préparer les conditions de succession du chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, selon un agenda décidé unilatéralement par les tenants du pouvoir. Un des aspects les plus frappants de cette dynamique est le fait que le pouvoir a imposé une loi électorale taillée sur mesure. Et pour reprendre l'ancien chef de gouvernement, Ali Benflis, lors de la réunion de l'Instance de concertation et de suivi de l'opposition (Icso) mercredi à Alger : «Ce nouveau régime électoral fait opérer au pluralisme politique un grand bond en arrière.» Le président du parti Talaie El Houriat va plus loin en affirmant que cette loi «participe de ce même objectif de reconduction et de reproduction du régime politique en place. Pour se reproduire et se reconduire, ce régime a un besoin vital de ses clientèles politiques traditionnelles». La reconfiguration est donc annoncée pour les prochaines élections (au moins), avec la redistribution des cartes selon les visées du système dans sa logique de reconduction. «Le quatrième mandat, vécu comme un cataclysme par l'opposition, est passé à l'étape du fait accompli avec lequel il faut faire avec depuis un moment, analyse un militant de l'opposition. La résilience s'impose, mais pas la compromission avec ce pouvoir. Donc il faudra continuer à chercher des voies politiques à la crise actuelle.» Comprendre, cesser de se focaliser sur la vacance du pouvoir, mais cela semble impossible. «Le cœur du problème reste ce quatrième mandat, comment peut-on faire semblant de l'ignorer ? Une partie de la société a été choquée par la reconduction d'un Président affaibli physiquement», rétorque un activiste politique. Mais tout le monde n'a apparemment pas la même distance avec le concept de compromis-compromission. Le MSP de Abderrazak Makri, par exemple, pourtant membre de poids de la coalition de l'opposition, nourrit des velléités pour participer aux prochaines législatives, tranchant en solo un débat au sein de l'opposition sur l'attitude à prendre face aux appels «participatifs» du régime. Garanties Il y a quelques semaines, Soufiane Djilali, président de Jil Jadid, qui a annoncé son retrait de la Coordination pour les libertés et la transition démocratique (CLTD), déclarait à El Watan Week-end : «L'opposition doit rester sur des positions très strictes. Il faut réclamer des règles du jeu politique aux normes modernes et refuser toute tentation pour participer à la gestion gouvernementale sans un appui populaire authentique. J'aurais aimé que toute l'opposition tienne à ses revendications au prix d'un boycott général de toute élection si celle-ci n'est pas encadrée de garanties politiques et légales. Céder maintenant est pour moi une erreur stratégique que nous paierons cher à l'avenir. Le peuple ne nous le pardonnera pas.» «Le MSP sait très bien que s'il n'y va pas, le pouvoir va lui substituer un autre parti islamiste qui raflera les sièges qui lui revenaient habituellement», confie un cadre de l'opposition. D'ailleurs, hier, lors de la réunion de l'Icso, Makri a bien évité le sujet des élections législatives. «Or, toute démarche en solo est fatale pour le groupe», renchérit un militant de l'opposition qui dit avoir cru jusqu'au dernier moment à l'unité a minima du «groupe» inédit que représente la CLTD. Côté MSP, on préfère dans les réunions organiques du parti parler de l'identité sunnite exclusive de l'Algérie plutôt que d'expliciter la position du parti islamiste par rapport à l'éventualité de plus en plus criante de participer aux législatives et d'entamer un virage politique important assez fatale pour l'idée même de l'opposition en Algérie. «DEAl» «Le pouvoir a besoin qu'un minimum de crédibilité soit assuré. Les partis peuvent la lui offrir en échange de leur survie», nous avait déclaré Soufiane Djilali dans ces colonnes, tout en regrettant : «La corruption généralisée et la désagrégation du régime font que ce ‘‘deal'' va être difficile à reconduire très longtemps. La solution aurait pu venir d'une solidarité sans faille de l'opposition. Imaginez que d'une seule voix, nous aurions tous dénoncé cette situation.» Mais si «deal» il y a, que pourrait-il apporter au régime bouteflikien ? D'ailleurs, dans le communiqué qui a sanctionné la réunion de l'ICSO, mercredi au siège du RCD à El Biar sur les hauteurs d'Alger, les participants à la rencontre n'ont pas traiter de manière frontale la question des législatives et de la participation à ces élections. «On nous explique que les différents partis et personnalités de l'ICSO se prononceront clairement dans la prochain réunion, dans trois mois, explique le cadre d'un des partis participants à cette initiative. Mais bien avant, tout le monde aura adopté des positions en interne et nous avons des indications que pas mal de partis membres de l'ICSO veulent participer – contre des gages bien probants – mais cela signera l'arrêt de décès de cette instance.» «Le plus important est que la façade, ou la fiction multipartisane a fait long feu, même s'il y a de vrais partis qui se battent, des syndicats, des médias, des acteurs sociaux qui ne se contentent pas des espaces que concèdent les autorités, souligne un ancien haut cadre de l'Etat passé à l'opposition. Mais pour se reproduire, le régime a besoin d'installer un minimum de décor, d'écrire une sorte de fiction, parfois avec de nouveaux acteurs pour faire oublier le passé récent et donner ainsi des gages de crédibilité pour l'opinion publique ici et surtout pour les partenaires étrangers qui sont trop hypocrites pour y faire semblant d'y croire.»