- Le Premier ministre tiendra aujourd'hui une réunion avec le FCE et l'UGTA pour examiner l'ensemble de l'avant-projet de loi de finances 2017. Il apparaît clairement que l'Exécutif cherche un consensus autour des dispositions de ladite loi. Pensez-vous que ce consensus soit possible ? La concertation du gouvernement avec ses principaux partenaires que sont l'UGTA et le FCE en ce moment et autour de l'avant-projet de loi de finances 2017 revêt une grande importance du fait qu'il y a d'abord la conjoncture économique défavorable à laquelle il faudra faire face mais, également, nous sommes à la veille de deux échéances électorales (locales et législatives). La prudence du gouvernement est donc de mise. Il existe en réalité un premier consensus, celui de faire changer le mode de fonctionnement de l'économie algérienne, depuis la chute brutale des revenus extérieurs en liaison avec la baisse des cours du pétrole brut, tant la dépendance vis-à-vis des exportations des hydrocarbures est très forte. Un second consensus est apparu également sur la méthode à impulser à l'ajustement de l'économie : la méthode douce, car ne disposant pas suffisamment de moyens pour aller dans des réformes en profondeur susceptibles d'apporter une cassure au niveau de différents équilibres (politique, économique social et culturel), surtout que le contexte international et régional ne s'y prête pas. La réunion prévue aujourd'hui cherchera probablement à contenir les effets de certaines mesures fiscales et non fiscales qui seront prises dans le cadre de la loi de finances 2017 par rapport aux salariés et chefs d'entreprises, et nécessitant l'adhésion de l'UGTA et du FCE. Il y a par contre un dossier lourd à gérer, celui des subventions, et dont les principaux contours ne sont pas encore précis. - Certaines dispositions prévoient déjà une pression fiscale sur les ménages et les entreprises alors que d'autres mesures instituent une nouvelle hausse des prix des produits énergétiques et de certains autres consommables. N'est-ce pas un coup dur à la fois pour le pouvoir d'achat des consommateurs et des producteurs ? La politique budgétaire est du ressort exclusif de l'Etat. Dans chaque loi de finances, de nouvelles mesures fiscales sont introduites pour permettre une certaine adéquation entre les recettes et les dépenses publiques. Le défi actuel pour le gouvernement est celui du lourd déficit budgétaire. Comment améliorer la fiscalité ordinaire pour pouvoir faire face à des dépenses que, pour certaines, les pouvoirs publics ne voudraient pas les voir diminuer ni annuler (particulièrement dans le budget d'équipement et surtout le dossier des subventions). Il y a la volonté d'imposer pour 2017 une véritable austérité pour les administrations publiques, s'agissant du budget de fonctionnement, par rapport à ce qu'elles ont l'habitude de faire habituellement. Il est aussi question de revoir à la hausse les taux relatifs à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et la taxe intérieure de consommation (TIC) qui frappent les biens et services mis sur le marché. Il s'agit de taxes qui concernent directement la consommation. Avec un effet boule de neige, les prix seront appelés à aller rapidement à la hausse et entretenir les tensions inflationnistes déjà existantes. Le risque est de voir l'inflation s'accélérer. Ce n'est pas bon pour l'économie nationale, car cela remettra en cause les équilibres macroéconomiques. Sinon, la hausse des quotités de TVA et TIC peut contribuer sensiblement à l'amélioration des recettes fiscales ordinaires, surtout si elles sont accompagnées d'un mécanisme de redistribution au profit des collectivités territoriales. Le problème sensible reste celui des subventions. Récemment, un rapport du FMI a montré l'irrationalité d'un tel mécanisme pour l'économie dans son ensemble et aussi par rapport à son aspect inégalitaire même si, paradoxalement, la volonté d'éviter une fracture sociale y est pour beaucoup. Par quoi et comment remplacer le système de subventions. Les avis sont partagés et la difficulté existe réellement quant à l'application sur le terrain d'un autre dispositif. - Le gouvernement qualifie la loi de finances 2017 de début de rééquilibrage économique et de premier acte de son nouveau modèle économique. Qu'en pensez-vous ? Le nouveau modèle économique dont il est actuellement question touche essentiellement le mode de fonctionnement de l'économie nationale et sa réorientation par rapport à la mono-exportation. Il s'agit d'un nouveau mode de croissance économique qui devra être basé surtout sur la diversification des activités économiques et pas seulement sur la rente pétrolière. Vouloir réaliser, cela nécessite beaucoup de temps, car il s'agit d'opérer une véritable rupture avec le mode actuel de gouvernance de l'économie nationale. La loi de finances concerne uniquement un aspect, celui de la dimension budgétaire et fiscale. Il existe par ailleurs d'autres aspects complexes à mettre en œuvre qui se rapportent aux activités sectorielles, au climat des affaires, au commerce extérieur, aux banques, à la gouvernance d'entreprise, au secteur informel, etc. Un véritable défi !