Dans la cohue des candidatures présidentielles, les récentes interventions du président François Hollande et de l'ancien président Nicolas Sarkozy résument la faille qui divise la société française. Le ton est donné. Parmi les trop nombreux candidats à la présidentielle de 2017, de droite comme de gauche, il y a ceux qui veulent flatter l'opinion, ceux qui veulent colmater la brèche, et ceux qui par leurs discours peuvent l'aggraver. Mais, d'où qu'on se tourne, une part importante du débat politique qui enflammera la France ces prochaines semaines tournera autour des thèmes de la laïcité, de l'immigration, du terrorisme et de l'islam. Des sujets devenus explosifs dans le contexte sécuritaire actuel. Dans l'ordre ou le désordre, pour le meilleur ou pour le pire, le front électoral 2017 est de plus en plus clairement tracé. Le face-à-face de Sarkozy et Hollande, l'ancien et l'actuel président, est à ce titre significatif tant il se démarque de la cacophonie des candidats même pas encore sûrs de l'être et qui n'ont pas vraiment de programme, à droite ou à gauche, excepté le Front national qui, une fois de plus, sera l'arbitre. Espérant gagner des points auprès de l'immense majorité des Français dont il ose espérer qu'ils souhaiteront éviter des tensions et dérives extrémistes dont l'Histoire est friande, le président François Hollande, dans son discours de jeudi dernier, a tenté de marquer les esprits pour préparer sa prochaine entrée en campagne pour sa réélection. De fait, il s'est aussi démarqué des candidats de gauche qui voudraient l'éliminer de la course avant même qu'il n'annonce qu'il se présente. Sur le dossier de l'heure, décisif dans le rendez-vous électoral à venir, il a voulu une nouvelle fois faire la part des choses entre islam et terrorisme, dont une nouvelle action voulue spectaculaire a été déjouée à la fin de la semaine dernière avec l'arrestation de plusieurs personnes dont un commando de femmes : «Avant de nous atteindre, ils s'en sont pris à leur propre religion, les musulmans ont été les premières victimes», a dit le chef de l'Etat français, comme pour répondre au dénigrement de plus en plus «décomplexé», comme on dit désormais, de la religion musulmane au nom parfois de la laïcité ou de la lutte antiterroriste. Venue des rangs de l'extrême-droite, la virulence des propos antimusulmans s'est répandue dans une partie de la droite républicaine et est relayée par politiciens, écrivains ou journalistes de plus en plus provocateurs dans leurs expressions et qui ont champ libre dans les médias. Jusqu'à l'ancien président Nicolas Sarkzoy qui rêve d'être au second tour de la présidentielle de 2017 après avoir été évincé de la présidence en 2012. Pour se démarquer de ses concurrents dans son camp – dont les anciens Premiers ministres François Fillon et Alain Juppé –, il a acéré son langage. Ainsi, dans son dernier livre Tout pour la France (Plon), il redonne vie à l'ancienne thématique coloniale de l'assimilation : «Nous sommes une communauté nationale, une et indivisible. Nous devons donc assimiler et non pas seulement intégrer, c'est-à-dire refuser de prendre en compte chaque différence. De ce point de vue, reconnaissons qu'il y a eu trop de laxisme dans le passé.» Si cela n'était pas assez clair, celui qui avait lancé dans les années 2000 le Conseil français du culte musulman, instance inédite de dialogue, se place dans d'autres pas plus hasardeux : «Disons-le tout net sans aucun esprit polémique, ce n'est pas avec les religions que la République a aujourd'hui des difficultés, mais avec l'une d'entre elles qui n'a pas fait le travail nécessaire autant qu'évitable d'intégration (...). Nous devons faire le même travail vis-à-vis de l'islam, qui ne peut s'exonérer d'aucune des règles que les autres religions respectent parfaitement en France.» Et le candidat à la candidature de préciser : «C'est donc à l'islam de s'adapter à la France, non à cette dernière d'accepter une pratique religieuse radicale parfaitement contraire à nombre de nos principes fondateurs, à commencer par celui, inviolable, de l'égalité entre l'homme et la femme.» Sans minimiser ces questions, le président Hollande a choisi d'adopter un profil complètement opposé. Il lance une contre-offensive visant l'extrémisme politique et les dérives de la parole publique, estimant qu'il s'agit de «savoir si les principes posés il y a un siècle [par la laïcité] peuvent s'accommoder de l'islam, maintenant que l'islam est devenu la deuxième religion de France. L'islam peut-il s'accommoder de la laïcité comme d'autres l'ont fait avant lui ? Peut-il admettre la séparation de la foi et de la loi, qui est le fondement de la laïcité ? Ma réponse est oui.» Durcir la société pour lutter contre le terrorisme ? Alors qu'à droite et à l'extrême-droite les candidats à la candidature présidentielle de 2017 voudraient règlementer encore un peu plus les signes extérieurs de l'islam, confondant souvent islam et islamisme, et durcir la société pour lutter contre le terrorisme, le premier magistrat a entendu respecter les règles constitutionnelles, se méfiant de toute «législation de circonstance, aussi inapplicable qu'inconstitutionnelle». Ce que l'ancien président Nicolas Sarkozy avait qualifié il y a quelques semaines d'«arguties juridiques» dont on pouvait se passer pour lutter et poser des nouvelles lois, notamment contre le burkini qui fut le feuilleton de l'été, mais aussi pour arrêter toutes les personnes fichées, même sans qu'elles n'aient commis aucun acte répréhensible. Ou encore comme il l'a dit dimanche dernier au Journal du Dimanche, créer une cour spéciale antiterroriste… Autant de sujets sur lesquels les débats vont se focaliser ces prochains jours. François Hollande pressent qu'il faut se positionner par rapport à Sarkozy qui, après avoir été l'hyper-président de 2007 à 2012, est aujourd'hui «l'hyper-candidat». Hollande serait-il tenté de rejouer le match remporté contre Nicolas Sarkozy en 2012 ? Il se souvient que ce sont les voix des électeurs du centre, – souvent qualifié de ventre mou de la politique – qui font le second tour. Peut-être dans le contexte actuel feront-ils aussi le premier ! Est-ce en pensant à cette donne que François Hollande rêve d'un recentrage politique ? Malgré les sondages peu favorables pour le Président (18% de sondés qui veulent le voir jouer un rôle à l'avenir), Hollande, en se positionnant clairement à l'opposé des extrêmes, songe à jouer le remake de 2012.