Après avoir prévenu qu'à partir de 2017 les dépenses publiques seront adaptées aux ressources disponibles, le gouvernement passe à l'acte. Le projet de loi de finances 2017 adopté en Conseil des ministres cette semaine s'est basé sur un prix de référence du baril de pétrole à 50 dollars, au moment où le marché pétrolier vient juste de franchir cette barre. Jusque-là, le budget avait pendant longtemps pris comme base un baril à 37 dollars (puis 45 dollars) quand les cours mondiaux dépassaient les 100 dollars. La différence était reversée dans le Fonds de régulation des recettes (FRR) dont la cagnotte servait par la suite à éponger le déficit public colossal. A partir de l'année prochaine, il ne sera plus question de toute cette gymnastique budgétaire. «L'idée est louable», estime l'expert financier Omar Berkouk. Mais cela ne change rien, car le budget, lui, reste déficitaire. «Ce serait bien si on respecte le niveau des recettes, mais cela n'est pas le cas car les dépenses engagées ne peuvent pas être couvertes par un baril à ce niveau-là.» Dans une déclaration à l'APS, l'analyste Ferhat Aït Ali a qualifié la démarche «plus rationnelle» et «plus réaliste». Mais dans la réalité, que va-t-elle changer ? Même avec un baril à 50 dollars donc, le déficit est maintenu avec l'inconvénient de ne plus avoir les ressources du FFR pour le résorber. «On ne peut pas ramener les dépenses aux niveaux compatibles avec un baril à 50 dollars du jour au lendemain», tempère Omar Berkouk. Incompressibles Pour l'année 2017, le déficit doit se situer à plus de 1200 milliards DA, en baisse par rapport à l'année 2016, grevé notamment par les dépenses de fonctionnement incompressibles et l'effort social de l'Etat. Il faut savoir à ce sujet que l'enveloppe dédiée uniquement à couvrir la masse salariale des fonctionnaires et les pensions des moudjahidine représente plus de 20% du budget global et plus de 40% des dépenses de fonctionnement (chiffres du ministère des Finances pour l'année 2015). Par ailleurs, pour l'exercice 2017, la promesse du gouvernement de ne pas toucher aux transferts sociaux a été tenue puisque l'enveloppe qui leur est consacrée dépasse les 1600 milliards DA, soit près d'un quart du budget de l'année. Plus de 400 milliards DA seront alloués au soutien aux familles à travers la subvention des prix des produits de base (céréales, lait, sucre et huiles alimentaires). Réformes Il faut rappeler que le Fond monétaire international (FMI) a estimé dans l'un de ses rapports que le prix d'équilibre budgétaire pour l'Algérie était de près de 90 dollars le baril de pétrole, bien loin de la tendance actuelle du marché pétrolier. Au cours des dernières années d'aisance financière, ce prix de référence s'était considérablement envolé jusqu'à dépasser les 120 dollars. Le FFR, renfloué grâce à une conjoncture pétrolière favorable, maintenant l'illusion de l'équilibre tant qu'il pouvait encore être alimenté. Seulement, les ressources du FFR devraient être épuisées vers la fin de cette année et il ne sera alimenté que si le baril de pétrole dépasse la barre des 50 dollars. Peu d'experts pétroliers le prédisent, mais ceux qui consentent de le faire ne se hasardent pas à aller au-delà de la barre des 55 dollars pour la fin de 2016. Si par malheur le baril repasse sous la barre des 50 dollars, c'est donc le déficit budgétaire qui se creusera davantage que prévu. Ce qui fait dire à Kouider Boutaleb, professeur d'économie à l'université de Tlemcen : «Si on continue à s'accrocher au prix du pétrole, on ne pourra pas construire une véritable économie. Il faut aller vers de véritables réformes.» Le problème n'est pas le baril de référence, dit-il, mais d'exploiter tous les gisements de ressources qui existent en dehors du pétrole.