Les syndicats réclament les augmentations signées par Habib Essid. Le déséquilibre des caisses de l'Etat a obligé Youssef Chahed à décréter le blocage des salaires. Les syndicats revendiquent par contre l'application des accords biennaux signés avec Habib Essid. De la brouille est annoncée dans l'environnement social en Tunisie. Le gouvernement Chahed est l'émanation de l'accord de Carthage, signé le 13 juillet dernier par neuf partis politiques réunissant plus de 80 % des voix du Parlement et les trois organisations nationales dignes de ce nom. La puissante centrale syndicale, l'UGTT, est signataire de cet accord et l'a défendu. Le rétablissement de l'équilibre des finances publiques constitue l'un des principaux objectifs de cet accord. Les ministres des Affaires sociales et de la Fonction publique et de la Gouvernance sont d'éminents syndicalistes. Pourtant, trois mois après la signature de cet accord, annonçant pourtant des réformes douloureuses pour sortir la Tunisie de sa crise, le torchon commence à brûler entre le gouvernement et la centrale syndicale à propos du projet de loi de finances 2017, associée à la loi de finances complémentaire 2016. L'UGTT accuse le gouvernement de dérailler par rapport aux principes de l'accord de Carthage. Le gouvernement Chahed appelle l'UGTT à la table de négociations. «Nous avons deux mois pour discuter et trouver les meilleures formules possibles pour rééquilibrer, au mieux, les caisses de l'Etat», répond Chahed dans une lettre adressée à l'UGTT. Grogne de l'UGTT Aussitôt le projet de loi de finances 2017 validé par le gouvernement et transmis à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), le bureau exécutif de l'UGTT s'est réuni et a rendu public, avant-hier, un communiqué exprimant son «rejet total» de toutes les mesures prises par le gouvernement dans le cadre du projet de loi des finances 2017, notamment le gel de l'accord des augmentations de salaires dans le secteur public, publié pourtant au Journal officiel. L'UGTT accuse le gouvernement de soumission aux diktats étrangers dont les conditions injustes portent atteinte à la souveraineté nationale. La centrale syndicale regrette l'absence de la moindre volonté chez le gouvernement pour «lutter contre la corruption et l'évasion fiscale, récupérer ses créances auprès des entreprises». Le communiqué a, en outre, souligné qu'«il tient le gouvernement pour responsable des conséquences qui pourraient découler de ces décisions sur la stabilité sociale». Il a également réitéré sa demande de hâter l'ouverture des négociations salariales dans le secteur privé. Par ailleurs, le bureau exécutif de la centrale syndicale a appelé les travailleurs de tous les secteurs à se mobiliser pour la défense de leurs droits et pour le respect des engagements pris. De même, il a appelé ses structures syndicales à se mobiliser et à se tenir prêtes pour «défendre les droits des travailleurs par tous les moyens légitimes». L'UGTT reproche surtout au gouvernement de lui avoir promis de lui remettre une copie de son projet pour apporter son avis avant sa remise à l'ARP. Mais il n'a pas tenu cet engagement puisque les documents ont été remis à l'ARP en même temps qu'à l'UGTT. Âpres Négociations Les négociations entre les deux parties s'annoncent âpres. Youssef Chahed assure que tout reste possible puisque la loi de finances ne sera adoptée que le 15 décembre prochain. Son ministre de la Fonction publique et de la Gouvernance, le syndicaliste Abid Briki, dit à l'adresse de ses «camarades» de l'UGTT que «ceux qui ont reporté des grèves en 2013 pour préserver la stabilité de la Tunisie, en proie à des attentats, pourraient réagir positivement à des propositions pour sauver le pays qui traverse aujourd'hui une phase aussi cruciale que celle de 2013». Le secrétaire général de la centrale syndicale, Hassine Abbassi, souffle le chaud et le froid dans ses discours. Il se dit prêt au dialogue et assure que les employés sauraient continuer à se sacrifier pour l'intérêt national. Mais il exige que les dossiers de la corruption et de l'équité fiscale soient ouverts pour que les Tunisiens sentent un vent d'équité souffler sur leur pays. Abbassi rappelle que «le taux de grèves a baissé de manière significative pour aider à stabiliser le pays». Mais il souligne que «cela ne veut nullement dire que l'UGTT a abdiqué par rapport à ses revendications sociales». Un automne difficile attend le gouvernement Chahed.