Mercredi dernier, en soirée, régnait un je ne sais quoi de festif et de fébrile dans l'air, au Théâtre national algérien Mahieddine Bachtarzi. Déjà, dans le hall, on croisait le chanteur Rachid Taha, le leader du groupe Gorillaz, l'ex-popman de Blur, le compositeur Safy Boutella, Khalida Toumi, ministre de la Culture... c'est dire l'importance de l'événement. Et pour cause ! Un concert... vraiment unique de chaâbi. Une initiative impulsée par la maison de productions Quidam, la Télévision algérienne et soutenu par The Irish Film Board, l'ONDA, le CCF... En fait, un concert intervenant après l'enregistrement au conservatoire d'Alger d'un album purement chaâbi sous les auspices de Damon Albarn, venu spécialement de Londres et visitant l'Algérie pour la première fois. Il s'agit d'une session typiquement chaâbie se défaussant du tout raï technoïde ambiant. Une note de douceur dans un monde de « brutalité » sonore. Intitulé Mandoza'T El Gusto, l'âme de la ville, cette performance musicale a offert du chaâbi pur jus sous un autre regard. Plus frais, digeste, galvanisé pour ne pas dire d'une grande brillance instrumentale. Un concert foncièrement et franchement acoustique. Pas une once d'électro. Un unplegged et seated (assis) comme ce fut la tendance lourde dans les années 1990 sur MTV (Eric Clapton, Rod Stewart, Nirvana...). Donc, une musique vraie sans artifices entre autres fioritures soniques et numériques. Un big band constitué... de trente-quatre musiciens évoluant sur une scène (nouvelle) en forme d'escaliers. Ainsi, après la présentation classique horizontale, voici celle mettant à l'honneur chaque musicien. Ce qui est novateur, c'est que cette formation grandeur nature, disposée en section violons, percussions, oûd (luth), mandoles, guitares sèches et autre kouitra, déclinait du chaâbi en master-class unique emmené par les voix du « ankaoui » Abdelkader Chercham ou encore celle de Larbi Liamine, et ce, sous la direction du maestro et pianoman (comme dirait Billy Joel) El Hadi El Anka (fils de son père). Le public se délectera de par des morceaux choisis et de bravoure du répertoire chaâbi en version écourtée par opposition à la longueur de la qacida comme Rani fi ghorba saïba, Nesthel kia, El heraz, Ya Ali chouf djebel el ghorba, Aâchki fi khenata, Soubhan Allah ya ltif, Ya rayah et en guise de finish, un magistral Hamdoulilah mabkach listiaâmar fi bladna, le fameux hymne patriotique chaâbi de la légende du chaâbi El Hadj M'hamed El Anka. Réaction de l'assistance : une standing ovation saluant avec respect ce grand moment populaire chaâbi. C'est que ce concert figurera sur un documentaire. Bref, un Buena Vista Social Club du chaâbi dans la joviale et insulaire Bahdja.