Après deux ans et cinq mois de vacance présidentielle, le Liban devrait se doter, demain lundi, d'un chef de l'Etat à l'occasion de la 46e séance parlementaire consacrée à l'élection d'un Président. Les 128 députés du pays du Cèdre devraient voter en faveur du leader chrétien du Courant patriotique libre (CPL), le général Michel Aoun. Le mouvement chiite du Hezbollah, son fidèle allié, a officiellement appelé ses députés à voter pour lui. La décision intervient après un accord entre le candidat du Courant patriotique libre (CPL) et l'ancien Premier ministre Saâd Hariri, chef du Courant du Futur. Depuis le 25 mai 2014 et le départ de Michel Sleiman du palais présidentiel de Baâbda, c'est la première fois qu'un consensus se crée autour d'un candidat. Pour Hassan Nasrallah, la porte est désormais vraiment grande ouverte pour que l'élection présidentielle réussisse. L'ancien Premier ministre sunnite, Saâd Hariri, qui bénéficie en principe du soutien de l'Arabie Saoudite, avait en effet expliqué, le 20 octobre 2016, le soutien apporté à son adversaire politique, «par la nécessité de protéger le Liban, l'Etat et le peuple». Quoi qu'il en soit, ce rapprochement entre deux hommes issus de camps rivaux devrait mettre un terme à plus de deux ans de vacance à la tête de l'Etat. Plus de trente séances électorales ont été ajournées faute d'avoir trouvé un président choisi selon l'usage au sein de la communauté chrétienne maronite. La crise présidentielle, miroir des déchirements du pays sur fond de conflit syrien, a aggravé la paralysie des institutions. Pour expliquer leur entente contre-nature, Saâd Hariri et Michel Aoun ont fait appel à de grands principes : «sauvegarder la stabilité et préserver le Liban des guerres qui ravagent la région». Mais leur entente repose aussi sur leurs ambitions personnelles. Saâd Hariri aurait, en effet, mis sur la balance son retour au poste de chef du gouvernement en cas d'élection du général Aoun à la tête de l'Etat. Affaibli sur la scène interne et se trouvant actuellement dans une relation émoussée avec son grand parrain, l'Arabie Saoudite, il n'avait d'autre choix que de donner son «ok» à Michel Aoun. L'arrangement n'a, en revanche, pas eu l'aval du chef du Hezbollah qui pourrait jouer les prolongations de la crise une fois Michel Aoun élu. Les assurances de Nabih Berry Si les intentions du Hezbollah sont des plus claires, ce n'est pas le cas en revanche de l'autre grand parti chiite, le Mouvement Amal, dirigé par Nabih Berry, le président du Parlement. Nabih Berry, qui est également un allié du Hezbollah, a annoncé que son bloc ne votera pas pour Michel Aoun. Il a cependant assuré qu'il ne torpillera pas la prochaine séance électorale du 31 octobre, bien qu'il en a la capacité. Cette position signifie que le quorum des deux tiers des membres du Parlement, nécessaire pour la tenue de l'élection, sera atteint. Sur le plan arithmétique, Michel Aoun est assuré de la majorité des voix, même si son rival, le député Sleiman Frangié, qui est aussi un proche du Hezbollah, décidait de maintenir sa candidature. Sauf développement imprévu, le Liban a donc de fortes chances d'avoir aujourd'hui un président. La fin de la vacance du pouvoir va probablement permettre de relancer la machine économique libanaise frappée de plein fouet par le conflit syrien et le départ, sans successeur, de l'ancien chef d'Etat en mai 2014. Le Liban ploie sous le poids d'une dette de 74 milliards de dollars (140% de son PIB) et accueille plus de 1,5 million de réfugiés, le tiers de sa population. C'est ce que tous les Libanais espèrent.