A vous qui êtes appelés à nous juger (le premier d'une façon générale, les seconds tout particulièrement), notre souci en diffusant la présente proclamation est de vous éclairer sur les raisons profondes qui nous ont poussés à agir en vous exposant notre programme, le sens de notre action, le bien-fondé de nos vues dont le but demeure l'indépendance nationale dans le cadre nord-africain. Notre désir aussi est de vous éviter la confusion que pourraient entretenir l'impérialisme et ses agents administratifs et autres ‘‘politicailleurs'' véreux.» Ainsi commença l'épopée d'une Guerre de Libération nationale qui a duré 7 ans et demi. Ces quelques lignes extraites de la Déclaration du 1er Novembre donnent encore, 62 ans après, des frissons, provoquent une incroyable émotion de tendresse et d'amour et suscitent une infaillible reconnaissance à l'égard de leurs auteurs. Ils étaient d'abord six — Mohamed Boudiaf, Mustapha Ben Boulaïd, Mourad Didouche, Larbi Ben M'hidi, Rabah Bitat et Belkacem Krim — puis 22, tous anciens militants de l'Organisation secrète, à décider le 25 juin 1954, à Clos Salembier (El Madania, Alger), du déclenchement de la lutte armée pour une Algérie indépendante. C'est à Ighil Imoula, en Kabylie, que le texte de la proclamation du 1er Novembre a été ronéotypé dans la nuit du 27 octobre avant d'être acheminé vers Alger le lendemain. Menée par de jeunes militants du Mouvement national qui ont su tirer les conséquences des années et des décennies de lutte du peuple algérien, le déclenchement de la Guerre de Libération nationale a été autant une leçon de courage, de patriotisme, d'engagement sans faille qu'une preuve d'humilité et de don de soi d'une génération décidée à arracher la liberté et l'indépendance quel que soit le sacrifice à consentir. Boudiaf, Krim, Didouche, Ouamrane, Ben M'hidi, Ben Boulaïd, Bitat et les autres étaient prêts au combat en sachant d'avance qu'il allait être inégal. Ils ont mené la guerre contre une grande puissance mondiale. Armés de leur seule conviction et de leur résolution à «donner le meilleur d'eux-mêmes à la patrie», ils réussirent à fédérer les Algériens autour d'un seul objectif : la lutte pour l'indépendance. Et au terme d'une grande Révolution, les Algériens arrachèrent leur liberté en 1962. Mais qu'a-t-on fait pour honorer la mémoire de ceux qui ont donné leur jeunesse et leur vie pour que l'Algérie soit indépendante ? Ceux qui ont imprimé la Déclaration du 1er Novembre 1954 à Ighil Imoula, l'ont acheminée à Alger, ceux qui ont décidé au Clos Salembier que seule la lutte armée pouvait mener à l'indépendance, ceux qui ont tiré le premier baroud et tous ceux qui se sont sacrifiés pour que vive l'Algérie doivent se retourner aujourd'hui dans leurs tombes. «Heureux les martyrs qui n'ont rien vu», disait Bessaoud Mohand Arab, un des vaillants combattants de la Guerre de Libération. Si les martyrs revenaient pour nous juger ! L'étendue du désastre produit par les échecs cumulés depuis 1962, la situation de grave crise et l'impasse dans laquelle se trouve le pays aujourd'hui nous montrent combien ceux qui ont pris le pouvoir à l'indépendance et ceux qui leur ont succédé ont fait peu cas des aspirations des moudjahidine qui ont déclenché le 1er Novembre. Pris en otage par les intérêts et les luttes de clans, les mesquines et sordides ambitions de pouvoir, le pays, qui regorge pourtant d'innombrables richesses, est toujours bloqué entre les tenailles du sous-développement. Ne faudrait-il pas revisiter l'esprit de Novembre ?