Cette fois, c'est vraiment la fin pour Saddam Hussein. Mais pour tout dire, l'ancien chef d'Etat irakien condamné hier à mort, pouvait-il s'attendre à autre chose ? Les statuts du tribunal prévoient une procédure automatique d'appel en cas de condamnation à mort, ce qui pourrait reporter de plusieurs semaines ou plusieurs mois l'exécution du verdict. Saddam Hussein a constamment tenté d'interrompre le juge Raouf Rachid Abdel Rahmane lors de l'énoncé du verdict, en criant « longue vie à l'Irak, longue vie aux Irakiens », obligeant le juge à hurler plus fort que lui. A son arrivée devant le tribunal, Saddam avait refusé de se lever devant le juge. Il y avait été contraint par des gardes, à la demande du juge. Saddam Hussein est apparu visiblement secoué par la condamnation. « Dieu est plus grand que l'occupant », a-t-il clamé, alors que quatre gardes l'ont emmené à l'extérieur de la salle d'audience, les mains liées dans le dos. Saddam Hussein a aussi été condamné à 10 ans de prison pour « crime contre l'humanité (torture) » et 10 autres années pour « déplacement de population ». Le Haut tribunal pénal a suivi les réquisitions du procureur Jaâfar Al Moussaoui, qui avait demandé, le 19 juin, la peine de mort contre l'ancien homme fort de l'Irak, âgé de 69 ans. Le mode retenu d'exécution pourrait être l'objet d'une controverse. « Rappelez-vous que Saddam était un militaire et que dans le cas où il serait condamné à mort, il devra être exécuté par balle et non par pendaison », avait demandé en juillet l'ex-président, en parlant de lui-même à la troisième personne. Saddam Hussein, qui a dirigé le pays d'une main de fer de 1979 jusqu'à la chute du régime en avril 2003, et sept anciens responsables de son régime étaient poursuivis pour le massacre de 148 villageois chiites de Doujaïl, tués en représailles à un attentat manqué contre l'ex-président en 1982. Deux autres condamnations à mort ont été prononcées, la première contre un demi-frère de Saddam, Barzan Al Tikriti, patron des renseignements au moment des faits, la deuxième contre l'ancien président du tribunal révolutionnaire, Awad Ahmed Al Bandar. L'ancien vice-président, Taha Yassine Ramadan, a été condamné à la prison à vie. Trois anciens responsables locaux du parti Baâth, Abdallah Kadhem Roueid, son fils Mezhar Abdallah Roueid et Ali Daeh Ali, ont été condamnés à 15 ans de prison pour « homicide volontaire ». Un seul des huit accusés, un autre ancien responsable local du Baâth, Mohammed Azzam Al Ali, a été acquitté conformément aux réquisitions du procureur général, Jaâfar Al Moussaoui. Saddam Hussein, premier chef d'Etat arabe à être jugé dans son pays pour des crimes commis contre son peuple, a rejeté dès le départ la légitimité du tribunal et refusé de plaider coupable ou non coupable à l'issue du procès qui s'est déroulé du 19 octobre 2005 au 27 juillet 2006. Les autres accusés se sont proclamés innocents. « La condamnation à mort mettra l'Irak à feu et à sang et mènera la région vers l'inconnu », avait averti dimanche dernier le chef du comité de défense de Saddam Hussein, Me Khalil Al Doulaïmi dans une lettre adressée au président américain George W. Bush, dans laquelle il affirmait que « la seule solution pour sauver l'Irak, la région et le monde était de libérer Saddam Hussein ». Silence de Washington mais pas de son ambassadeur en Irak Zalmay Khalilzad, qui a qualifié d'« importante étape pour l'Irak », les condamnations prononcées par le Haut tribunal pénal irakien et invité les Irakiens à « tourner la page ». Dans un communiqué, l'ambassadeur a estimé que ce « jour marquait une étape importante pour l'Irak, qui vient de franchir un nouveau pas vers la construction d'une société libre fondée sur le respect de la loi ». Et d'ajouter que « même si les Irakiens vont devoir faire face à des temps difficiles dans les prochaines semaines, tourner la page de Saddam et de son régime est une opportunité pour s'unir et construire un avenir meilleur », a jugé M. Khalilzad. C'est certainement beaucoup plus un vœu qu'autre chose, tant la situation est proche du chaos si ce n'est déjà le cas. Reste maintenant à savoir de quoi sera fait l'après-procès, puisque l'Irak retenait son souffle, signe que les autorités en place prenaient très au sérieux le risque — élevé selon elles — d'actions des proches de l'ancien président. Ce qui veut dire au moins que sa popularité est grande au sein de l'opinion irakienne et que ses partisans mènent l'essentiel des opérations armées contre les forces d'occupation. Ce qui, par conséquent, éliminerait ou du moins réduirait fortement l'impact d'autres groupes. Tout cela reste relatif, car il faut penser à toutes les victimes du régime de Saddam Hussein, qui a mis en place une véritable machine à broyer les opposants de tous les horizons, chiites et Kurdes, et même au sein de sa propre communauté. Son pouvoir hégémonique était sans partage et c'est ce qui avait conduit l'Irak vers l'abime. Sa chute a commencé avec l'invasion du Koweït en 1990. La suite est connue, pas dans sa totalité cela est sûr. Toujours est-il que la question de l'après-Saddam reste posée depuis 2003. Même les pays voisins s'y intéressent et même fortement. Malheur aux vaincus, dit-on souvent pour se rappeler le sort infligé, ces derniers temps, depuis les temps les plus reculés. Le monde a changé, estime-t-on alors. Pour une partie des crimes qui lui sont attribués, le président Saddam Hussein a été condamné hier à mort par pendaison par le haut tribunal pénal irakien. C'est donc la fin d'un procès – le premier – pour sa responsabilité dans l'exécution de 148 habitants chiites du village de Doujaïl dans les années 1980, en représailles à un attentat contre son convoi.