Le sort judiciaire de l'ancien président irakien, Saddam Hussein, semble diviser la communauté internationale, partagée entre son jugement par un tribunal irakien, un tribunal iranien ou un tribunal international. Des pays comme la Russie et la Pologne soutiennent que le jugement de l'ancien homme fort de Bagdad est une affaire intérieure du peuple irakien. D'autres voix, pour des raisons antagoniques, réclament un procès devant un tribunal international, les uns veulent prendre leur revanche sur Saddam, les autres revendiquent un procès “équitable”. Saddam risque-t-il la peine de mort ? L'actuel président du Conseil de gouvernement transitoire irakien (CGI), Abdelaziz Hakim, a annoncé récemment que Saddam Hussein sera jugé en 2004 par le Tribunal pénal, installé le 10 décembre dernier, n'écartant pas le risque de la peine capitale. “C'est le Tribunal pénal qui a été créé par le Conseil intérimaire de gouvernement la semaine dernière qui va juger Saddam Hussein”, a indiqué ce responsable, laissant entendre que les audiences “seront publiques et les droits des accusés seront préservés”. Les Américains et les Britanniques rejetteront-ils la décision locale ? Du côté américain, on parle d'un procès devant répondre aux normes juridiques internationales. Le président George Bush a déclaré à ce sujet que les Etats-Unis “travailleront avec les Irakiens pour trouver un moyen de le juger” et prévenu que cette procédure obéira à un “contrôle international”, mais en refusant de se prononcer sur la question de la peine de mort. “Ce sont les Irakiens qui vont devoir décider”, a révélé Bush qui est connu comme étant partisan de la peine de mort. Le problème de la peine capitale divise les pays alliés aux Etats-Unis dans la guerre en Irak. La Grande-Bretagne, l'Espagne et l'Italie y sont fortement opposées. Seulement, les autorités anglaises accepteraient toute décision du tribunal irakien concernant Saddam Hussein, y compris une condamnation à mort. Le Tribunal pénal irakien est-il légitime ? Des experts internationaux doutent de la légitimité du Tribunal pénal irakien, en se référant notamment au climat d'insécurité générale qui prévaut en Irak. Pour le Comité international de la Croix-Rouge, Saddam bénéficie en tant que prisonnier de guerre des Conventions de Genève, mais ce statut “n'empêche pas qu'il soit inculpé et jugé pour crimes de guerre ou d'autres délits”. En Jordanie, l'ordre des avocats a appelé à la création d'un groupe d'avocats arabes pour défendre Saddam, qualifié de “président légal” de l'Irak. Des organismes de défense des droits de l'Homme craignent que l'instance créée par le CIG ne devienne un “outil de revanche” au service des nouvelles autorités irakiennes et mettent en avant le délabrement du système judiciaire irakien. Qu'en pense sa famille ? La famille de Saddam Hussein souhaite qu'il soit traduit devant un tribunal international, a déclaré hier une des filles de l'ancien président irakien. Raghad Hussein a indiqué dans une interview à la chaîne Al Arabiya, basée à Dubai, que sa famille va faire appel aux services d'un avocat. “Nous exigeons un procès équitable, pas un procès organisé par le Conseil de gouvernement désigné par l'occupant”, a-t-elle souligné, en insistant sur “le droit de défendre légalement notre père”. La sœur de Saddam, Nawal Al Hassan, s'est également exprimée sur la question. “Nous ne voulons pas d'un procès (de Saddam Hussein) en Irak. Nous réclamons un jugement équitable devant la Cour de justice à La Haye, en présence d'avocats arabes et étrangers”, a-t-elle déclaré avant-hier à Londres. L'ONU s'impliquera-t-elle ? Des pays et personnalités ont affiché leur opposition à la peine capitale. Parmi eux, le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, qui a mis en avant le respect du droit international. “Je crois qu'on devrait y parvenir par le biais d'un procès ouvert, organisé devant une juridiction qui respecte les normes de base internationales, dont le respect du droit humanitaire international”, a-t-il affirmé. Et de noter que l'ex-chef d'Etat irakien doit répondre de ses crimres devant la justice. Y a-t-il un pays pour accueillir le dictateur ? Stockholm est “théoriquement” disposé à autoriser Saddam Hussein à purger sa peine en Suède. “S'il est condamné à une peine d'emprisonnement par un tribunal international, nous avons la même obligation que les autres (…). On ne peut à la fois demander la tenue d'un procès international et dire que nous n'en prenons pas la responsabilité”, a déclaré le Premier ministre suédois, Göran Persson, dans une interview publiée hier par le quotidien Svenska Dagbladet. La Suède détient, pour rappel, l'ancienne présidente serbe, Biljana Plavsic, qui purge une peine de onze ans d'emprisonnement, après avoir été condamnée pour crimes de guerre par le Tribunal pénal international de La Haye. H. A.