Un dispositif sécuritaire impressionnant a confiné les manifestants sur la place de la Grande-Poste, sans aucune possibilité d'avancer. Le rassemblement contre la réforme de la retraite et de l'érosion du pouvoir d'achat auquel a appelé l'intersyndicale a été empêché hier par les autorités. Des centaines de syndicalistes et travailleurs ont bravé le dispositif de sécurité et improvisé un rassemblement sur la place de la Grande-Poste d'Alger ; ils ont scandé des slogans hostiles à la politique d'austérité décrétée par le gouvernement pour faire face à la baisse des revenus nationaux. Les protestataires ont exprimé «la détresse des familles algériennes menacées appelés à combler les lacunes de la mauvaise gestion des revenus engrangés durant plus d'une décennie puis dilapidés par l'incompétence et la mauvaise gestion ainsi que la corruption». Les participants à ce rassemblement sont venus de plusieurs wilayas pour chahuter le débat ouvert à l'APN sur l'amendement de la loi portant sur le système de retraite. Les slogans scandés par les protestataires exprimaient le rejet du projet d'annulation de la retraite proportionnelle et de la retraite anticipée après 32 ans de service sans condition d'âge. Des pancartes dénonçant la mauvaise gestion du dossier de la retraite ont été également brandies par les protestataires. Un dispositif sécuritaire impressionnant a contraint les manifestants à se confiner sur cette place, sans aucune possibilité d'avancer. Les policiers déployés empêchaient toute tentative de rejoindre les manifestants, priant les passants de circuler. Certains éléments de la police ont utilisé la force pour immobiliser des manifestants qui essayaient de forcer le dispositif de sécurité pour permettre aux protestataires d'avancer vers leur destination initiale. En moins d'une heure, les protestataires ont été dispersés. L'empêchement du rassemblement avait commencé au niveau des accès à la capitale, puisque des syndicalistes et des délégués syndicaux ayant mobilisé des centaines de leurs camarades ont été empêchés d'atteindre Alger en bus. Des syndicalistes ont été arrêtés alors qu'ils tentaient de rejoindre Alger très tôt le matin. Des centaines de personnes ont été interdites de quitter les bus qui les transportaient et ont été gardées à bord durant plusieurs heures dans la gare routière d'Alger, tandis que d'autres ont été contraintes de rebrousser chemin au niveau des wilayas limitrophes de la capitale. A Blida, des chauffeurs de bus transportant des manifestants ont été empêchés de prendre la route. «Alger est en état de siège», dénonçaient les représentants des syndicats autonomes, initiateurs de ce mouvement de protestation. Plusieurs responsables syndicaux ont été arrêtés. Les organisateurs de ce rassemblement annoncent «des milliers d'arrestations arbitraires». «Piètre prestation du parlement» «Les policiers ont interpellé nos camarades même en dehors du rassemblement. Certains ont été embarqués dès l'aube, à leur sortie des cafés», révèle Sadek Ziri, président de l'Union nationale des personnels de l'éducation et de la formation (Unpef), dans un point de presse tenu hier à Alger. Les représentants des syndicats autonomes, rejoints par le Syndicat des imams, ont exprimé leurs craintes des «traitements violents» subis par leurs collègues entassés dans des bus des heures durant, «empêchés même de se rendre aux sanitaires». L'intersyndicale a dénoncé la répression du mouvement de protestation. «Nous avons été traités comme si nous étions de vulgaires voleurs, alors que nous sommes des cadres honnêtes qui voulions nous exprimer pacifiquement», soulignent des responsables syndicaux, qui dénoncent «la violence infligée aux protestataires empêchés de se mouvoir». «Les procédés de l'administration centrale rappellent ceux utilisés durant la période coloniale. Où est notre droit à la liberté d'expression ?» s'interroge M. Ziri. De son côté, Djamel Ghoul, représentant des imams, a fustigé les députés ayant voté en faveur de la loi de finances et «qui ne sont pas près de montrer la moindre résistance aux textes impopulaires que le gouvernement soumet au Parlement». Lyès Merabet, président du Syndicat national des praticiens de santé publique (Snpsp), estime que «le pouvoir a donné une mauvaise image avec la répression du rassemblement». Pour ce syndicaliste, «les parlementaires ont offert fait une piètre prestation durant ce mandat où tous les textes qui enfoncent dans la détresse les Algériens ont été votés». Soulignons que les groupes parlementaires du Parti des travailleurs, de l'Alliance de l'Algérie verte et du Front des forces socialistes ont soutenu cette manifestation. Des députés se sont d'ailleurs déplacés sur le lieu du rassemblement. Les membres de l'intersyndicale, qui se sont félicités du suivi de la journée de grève qui a vu l'adhésion de plus d'effectifs que les éditions précédentes, annoncent la tenue d'une réunion le 3 décembre prochain. «Nous n'allons pas nous taire, même si ces textes sont votés, nous continuerons à lutter pour les corriger.» La grève se poursuivra aujourd'hui et demain.