Le journaliste freelance Mohamed Tamalt a été enterré hier au cimetière de Bourouba, non loin de son domicile à Bachdjarrah, à Alger. Son corps encore ensanglanté, après une autopsie décidée sur réquisition du parquet de Koléa, avait été remis la veille à la famille. Les avocats exigent toutes les pièces du dossier médical qui conforterait le communiqué de l'administration pénitentiaire sur les causes du décès. Une foule imposante a accompagné, hier, le journaliste freelance Mohamed Tamalt à sa dernière demeure. A pied, elle a suivi le cortège funèbre du domicile du défunt, à Bachdjarah 2, à Alger, jusqu'au cimetière de Bourouba, situé à moins d'un kilomètre, en signe de compassion et de solidarité avec son frère et sa mère meurtris par cette tragédie. Jusqu'à la mise en terre du journaliste, cette famille doutait encore de la cause du décès. La veille, Abdelkader Tamalt refusait toute idée d'autopsie. Il voulait à tout prix obtenir le permis d'inhumer et enterrer dans la dignité son frère. Mais contre toute attente, le parquet de Koléa, auprès duquel le frère du journaliste a déposé une plainte contre les gardiens de la prison (de Koléa) pour «mauvais traitements» en a décidé autrement. Fait bizarre. Habituellement, c'est le procureur de la circonscription où la personne meurt qui ordonne l'autopsie. Bref, le corps de Mohamed a été disséqué par les médecins légistes de l'hôpital Lamine Debaghine (ex-Maillot), afin de déterminer «les causes exactes» du décès, pourtant déjà avancées le jour même (dimanche dernier) par un communiqué de la direction générale de l'administration pénitentiaire et qui seraient le résultat de complications liées à la grève de la faim que le journaliste s'est refusé d'interrompre malgré son diabète. Il se laissait mourir pour exprimer sa colère contre son incarcération et sa condamnation à deux ans de prison ferme pour avoir «offensé le Président et des ministres» à travers un poème publié sur son site web. Après les formalités de la prise de corps à l'hôpital Lamine Debaghine, la famille se retrouve face à un deuxième choc. Dimanche en fin de journée, Abdelkader Tamalt est autorisé à récupérer le corps de son frère Mohamed, drapé d'une couverture. Il ne sait plus quoi faire. Aucun cercueil ni ambulance ne sont disponibles. C'est finalement à la mosquée qu'il trouve un cercueil, puis un véhicule pour transporter la dépouille. Alors qu'il prend la dépouille, le sang coule toujours. Le corps du journaliste n'avait même pas été nettoyé. Il était tout ensanglanté, obligeant son frère à le déposer chez un voisin pour procéder à la toilette du mort et éviter à sa mère cette image traumatisante. Le lendemain matin, le sang du journaliste coulait toujours, nécessitant une autre toilette et un autre linceul. Durant les quatre mois de son coma à l'hôpital, cette famille a souffert le martyre de voir un des siens se laisser mourir. Elle n'avait pas besoin de vivre le déni de dignité. Parce que le corps humain a droit au respect et à la dignité, aussi bien de son vivant et plus encore lors de son décès. Ce sont les siens qui lui ont permis d'être enterré dignement. Hier, ses avocats ont décidé de réclamer le dossier médical. «Nous comptons exiger toutes les pièces médicales qui corroborent les explications de l'administration pénitentiaire. Nous voulons bien les croire, mais nous avons des doutes. Nous attendons aussi les conclusions de l'autopsie, qui jusqu'à maintenant n'ont pas été remises à la famille», a déclaré, hier en fin de journée, maître Amine Sidhoum, un des avocats du défunt journaliste. L'affaire risque de connaître de nouveaux rebondissements dans les jours à venir…