L'augmentation subite des prix des produits de première nécessité, sans avis préalable ni explication à même de convaincre le consommateur, a laissé ce dernier perplexe. Et ce, à un mois de l'entrée en vigueur de la loi de finances 2017, comportant des taxes importantes sur les différents produits déjà touchés par la hausse des tarifs. Si le représentant des consommateurs qualifie cette augmentation d'«abusive», les industriels et les commerçants l'expliquent plutôt par des facteurs objectifs (dévaluation du dinar et montée des cours des produits sur le marché mondial). En plus de la hausse des prix qui s'étale à longueur d'année suite à la dévaluation du dinar, une autre augmentation généralisée touchant les produits de première nécessité (fruits et légumes, poudre de lait, café, œufs, viandes…) a été enregistrée durant ce dernier mois. Si du côté des consommateurs cette augmentation a été interprétée comme une application anticipée de la loi de finances 2017, les producteurs et les commerçants estiment que c'est une augmentation qui répond à la loi de l'offre et la demande. La hausse des prix ne date pas d'hier, cela fait des années qu'un kilogramme de viande représente 10% du SMIG (salaire minimum). Les industriels et les producteurs de fruits et légumes assurent qu'en 2017, les prix des produits alimentaires vont connaître une autre hausse suite à l'application de nouvelles taxes. «C'est une augmentation abusive et injustifiée. C'est de la pure spéculation», s'insurge Mustapha Zebdi, président de l'Association de protection et de l'orientation du consommateur (Apoce), qualifiant l'attitude des commerçants de «vol caractérisé». Ce représentant de la société civile estime que «c'est la loi de finances 2017 qui est appliquée d'une manière anticipée». Cette situation révèle, d'après notre interlocuteur, le manque flagrant de mécanisme régulateur de l'offre et de la demande et l'absence de transparence dans l'exercice du commerce en utilisant la facture. Cette dernière permet aux autorités de veiller à la traçabilité. Assiste-t-on à un phénomène de surconsommation ? «On ne peut pas parler de surconsommation. Ce n'est pas fondé. Ce phénomène ne peut pas apparaître en un temps réduit. Il ne peut pas y avoir une hausse importante au bout d'une semaine», relève M. Zebdi. Mais le président de la commission nationale des mandataires des fruits et légumes, Mohamed Medjber, confirme la hausse de la demande durant ce dernier mois. «Il y a une augmentation de la demande. Au niveau du marché de gros, la hausse est estimée à 20%.» Ce mandataire précise que ce sont les légumes de fin de saison (tomate, poivron, laitue) qui sont touchés essentiellement par la hausse des prix. Y a-t-il réellement une rétention de produits à des fins spéculatives ? Non, répond-il, expliquant : «On ne peut pas stocker des fruits et légumes. Leur durée de vie est très limitée. On ne peut stocker que l'oignon et la pomme de terre. Là aussi, il y a la récolte d'hiver qui va bientôt entrer sur le marché.» M. Medjber précise que les fruits importés restent tout de même chers. A titre d'exemple, la banane coûte entre 300 et 330 DA au marché du gros. Il se demande d'ailleurs comment ces produits sont entrés sur le marché national. «Il faut fixer la marge bénéficiaire» «Le modèle économique, tel qu'il est appliqué actuellement, est un choix qui ne convient pas à notre mentalité. Il favorise l'apparition des milliardaires et il accentue le taux de pauvreté. A un moment donné, la laitue a connu une marge bénéficiaire de 1000%, c'est insensé. Il faut que les agriculteurs utilisent dans leurs transactions des factures et les bons de livraison. Cela peut se faire du jour au lendemain», note le président de l'Apoce, Mustapha Zebdi. Quels sont les produits qu'il faut plafonner ? Il s'agit, selon lui, des légumes et des fruits de saison, légumes secs, la tomate concentrée et le lait en poudre. Pour sa part, le président de la commission nationale des mandataires des fruits et légumes considère que ce même modèle économique ne préserve pas les intérêts des agriculteurs. «L'agriculteur local ne peut pas faire face à l'importation, d'où l'abandon de nombreux agriculteurs pour cette activité. En plus, ce sont les revendeurs qui profitent d'une large marge bénéficiaire, alors que le producteur fait face à de nombreuses entraves, y compris cette loi de l'offre et la demande». A l'en croire, c'est la Bourse qui détermine le prix d'un produit agricole. «Le mandataire ne prend pas de marge bénéficiaire, il prend plutôt une commission sur le taux de vente réalisée». La faille est donc du côté de revendeur, qui «fixe la marge à sa guise», fait-il remarquer, ajoutant que le contrôle des vendeurs de détail se limite actuellement à la qualité. Il relève que l'agriculteur subit toutes les augmentations, mais que son produit est soumis à la loi de l'offre et la demande. Quant aux industriels, «ils augmentent les prix des produits en fonction des taxes qu'ils subissent», regrette le représentant des mandataires des fruits et légumes.