Aux JCC 2006, un éclectisme largement ouvert associe le cinéma africain et arabe à celui de l'Asie et de l'Amérique latine. Pour d'évidentes raisons, les JCC (Journées cinématographiques de Carthage) programmées cette années par Férid Boughdir, cinéaste, critique et historien du cinéma, offrent un savant dosage entre fictions, documentaires et vidéos d'un cinéma arabo-africain qui a rajeuni (Tunis accueille cette année de nouveaux visages !) et l'actuelle vague du cinéma sud-coréen, argentin et brésilien (même si ce dernier n'est plus qu'un pâle fantôme du rayonnant cinéma Neve de Glauber Rocha et Joachim Pedro de Andrade). Le programme n'est pas dénué de promesses, de surprises, de nouvelles idées sur le cinéma (voir encore une fois, côté algérien, l'astucieux travail de Djamila Sahraoui). La sélection tunisienne n'est pas encore connue, certaines productions étant sans doute en phase finale de post-production. Mais d'Afrique du Sud, du Sahara par rapport au cinéma continental vieillissant (Sembène, Cissé, Safi Faye), voire un nouveau cru sur les écrans de Carthage : Darrat, de M. S. Haroun (Tchad), l'Ombre de Liberty, de Imunga Ivanga (Gabon), Bamako, de Abderrahmane Sissako (Mauritanie), Aïcha, De Newton Adwaka (Nigeria), Menged, de Daniel Taya Werka (Ethiopie). L'Ethiopie dont personne n'a vu la moindre image depuis les films de Hailé Gérima... La liste n'est pas close des nouveaux films qui seront vus attentivement et dont les ambitions pour les fameux Tanits d'Or, d'argent et de bronze seront départagés par le jury présidé par Elias Khoury et comprenant notamment Ramsés Marzouk, Hind Sabri, Mohamed Asli, Fanta Régina Nakro... Les JCC, qui ont toujours manifesté un vif intérêt pour le cinéma comme art (on se souvient de la projection ‘'historique'' du film d'Assia Djebar : La nouba des femmes du Chenoua dans la salle de la cinémathèque de Tunis, Assia qui a reçu un magnifique accueil du public tunisois), si elles démarrent cette année en fanfare avec Indigènes, de Rachid Bouchareb (gros moyens, grands acteurs) vont aussi montrer des films plus modestes mais de grande valeur réalisés par Marco Belloccio, Wim Wenders, Alexandre Sokourov, Michel Ocelot (déjà montré à Alger, Tony Gatlif, le Gitan algérois... Comme à l'époque de La Nouba (l'un des films algériens les plus singuliers), le public attend beaucoup de cette virée vers l'Europe car Belloccio, Venders ou Sokourov sont chaque fois précédés de préjugés très favorables. L'un des plus grands scénaristes égyptiens qui a introduit la vie quotidienne misrie sur les écrans arabes n'est autre que Naguib Mahfouz. Les JCC lui rendent un grand hommage cette année en présence de Nour Al Sharif. Moins évident (mais il faut de tout dans un festival...) est l'hommage à Yousry Nassrallah, l'ex-assistant de Youcef Chahine. On ira plutôt soutenir chaleureusement l'hommage au cinéaste de Côte d'Ivoire récemment disparu : Henri Duparc qui a toujours mêlé l'approche sociologique et la comédie dans ses œuvres, justifiant l'engouement du public d'Abidjan ou de Ouagadougou. Le cinéma brésilien, argentin, sud-coréen (hélas totalement inédits dans les pays du Maghreb aujourd'hui : la cinémathèque d'Alger a réduit son quota de projections, on affirme par ailleurs que la nouvelle cinémathèque de Tanger a pour souci de faire connaître un cinéma inconnu...) que les écrans de Carthage vont aussi honorer : ce sera une chance substantielle pour le public de juger sur pièces ce qui se fait à Séoul, Buenos Aires et Rio de Janeiro. Au Maghreb, on connaît tout de la technologie sud-coréenne, les ordinateurs en vente partout à Alger, les voitures de diverses catégories supposées très performantes, etc. Mais qui connaît le cinéma sud-coréen ? C'est donc (comme pour le Brésil et l'Argentine) tout à l'honneur des JCC d'esquisser quelques pas nécessaires vers ces cinématographies et observer, comme disait Glauber Rocha : « La technique, l'esthétique, l'idéologie, everything about movies. » Bref, toutes les choses qui les caractérisent.