Ahmed Ouyahia, secrétaire général du RND, a reconnu, hier, la défaillance de la machine publique en matière de contrôle et de communication. «Ne cachons pas nos lacunes avec notre doigt. Il y a faillite des pouvoirs publics et faiblesse en matière de contrôle», a-t-il affirmé lors d'une conférence de presse animée au siège de son parti. M. Ouyahia, qui ne cite et ne critique aucun ministre, demande aux responsables de l'Exécutif d'être francs, de ne pas mentir au peuple. Il reconnaît — ce n'est pas la première fois — la défaillance de ces mêmes institutions dont il fait partie. Lors de cette conférence de presse, le secrétaire général du RND, également directeur de cabinet de la présidence de la République, a réaffirmé son allégeance au Président mais s'est montré très prudent quant à la question relative aux appels en faveur d'un cinquième mandat pour Bouteflika en 2019. «En tant qu'Algériens et militants, nous lui souhaitons beaucoup de bonne santé et plus d'énergie dans la gestion et la conduite des affaires de notre pays», lance-t-il. Pour le chef du RND, le Président «a réussi admirablement» à démentir toutes les voix qui, en 2014, doutaient de ses capacités à gérer le pays. Questionné sur la polémique autour du complément alimentaire Rahmat Rabi, M. Ouyahia s'est dit «très attristé et peiné» de constater la généralisation dans la société algérienne du charlatanisme. Pour lui, ce produit pose le même problème que le fameux Waad Essadik : «Avant Rahmat Rabi, il y a eu El Waad Essadek. Où va l'Algérie ? Nous n'avons pas vécu cette situation même dans les années 1960. La société a beaucoup régressé, malheureusement les charlatans se sont multipliés et le contrôle s'est affaibli.» M. Ouyahia pense qu'il y a trop de trafiquants, trop d'arnaqueurs, trop d'escrocs... Cette situation trouve, de l'avis du patron du RND, ses origines dans les «défaillances de l'Etat» en matière de contrôle. Des mesures s'imposaient contre les migrants Invité à donner son avis sur l'incident qui a marqué la cérémonie d'ouverture du Forum africain d'investissement et d'affaires, M. Ouyahia a défendu Ali Haddad et s'est montré quelque peu «choqué» par le fait que, de ce forum, les gens n'ont retenu que cet incident qu'il qualifie de «simple couac managérial». «On peut regarder cette manifestation de deux manières. Ou bien nous gardons en tête l'organisation d'une grande manifestation à laquelle ont pris part des milliers d'investisseurs, hommes d'affaires et entrepreneurs, ou c'est le couac qui va rester l'éternel repère de ce Forum», a renchéri Ahmed Ouyahia. Et d'ajouter : «Ali Haddad reste mon ami. Au RND, nous n'appartenons pas à ceux qui changent de position selon la direction du vent.» Autre sujet qui a suscité des commentaires et des demandes d'explications : le cas des migrants. Pour le patron du RND, l'Algérie est en droit de prendre des dispositions pour faire face au phénomène de la migration irrégulière. «J'imagine que vous concédez à l'Etat algérien le droit de prendre quelques mesures envers des ressortissants africains en situation irrégulière. Il y a eu des rapatriements, des opérations qui ne sont jamais aisées ni heureuses», a précisé M. Ouyahia. Il a expliqué que des Africains de plusieurs pays arrivent jusqu'aux grandes villes pour chercher du travail, soulignant que même si l'Algérie n'est pas un pays d'accueil de migrants pour le travail, la situation «est tolérée». Mais quand il y a, explique-t-il, une explosion de violence comme cela s'est passé à Dély Ibrahim (Alger) entre des jeunes de ce quartier et des Africains, les autorités algériennes sont en droit de prendre certaines mesures. «Certains en font un tapage. Mais que font-ils chez eux face aux immigrés illégaux, notamment en matière des droits de l'homme», s'est-il interrogé, se refusant que l'Algérie se transforme en «un vaste couloir». M. Ouyahia a rappelé que l'Algérie a été un pays de refuge et d'accueil pour des milliers d'Africains depuis son indépendance en 1962, notamment pour ceux fuyant les catastrophes naturelles comme la sécheresse ainsi que les conflits. Par ailleurs, le secrétaire général du RND n'a pas souhaité commenter le décès du journaliste Mohamed Tamalt, invitant la presse à attendre les résultats de l'enquête. A propos du limogeage de l'ambassadeur d'Algérie à Paris, M. Ouyahia a eu une réplique sèche : «Nous n'avons jamais donné les raisons de la nomination d'un ambassadeur, je ne vois pas pourquoi nous devrions expliquer son éviction.» Contre le recours à l'endettement extérieur Sur le volet économique, M. Ouyahia persiste et signe que la situation est «très difficile» même si le ministre des Finances soutient qu'«elle est sous contrôle». Le recours à la hausse des impôts et taxes pour faire face à la crise économique est «une alternative ou plutôt un bon palliatif au recours à l'endettement extérieur», note M. Ouyahia, qui plaide contre le retour à l'endettement. Il souhaite que le crédit de près d'un milliard de dollars contracté par l'Algérie auprès de la Banque africaine de développement (BAD) soit juste «une exception». Selon lui, si l'Etat recourait à l'endettement extérieur, il devra emprunter plus de 20 milliards de dollars pour combler le déficit de la balance commerciale et financer les importations, qui seront ensuite «très difficiles à rembourser». Selon M. Ouyahia, le RND favorise la révision progressive et souveraine de la politique fiscale du pays ou un ajustement structurel local. A défaut, il pointe deux risques : l'explosion sociale ou la reddition du scénario du début des années 1990, avec les mesures antisociales imposées par le FMI. Au sujet de l'impôt sur la fortune, Ahmed Ouyahia a reconnu les difficultés de l'Etat à s'engager dans la mise en place de cet impôt qui, selon lui, demeure nécessaire pour le pays, notamment dans cette conjoncture.