D'éminents psychologues Piaget, Claparéde, Wallon se sont intéressés à l'apprentissage du langage. Toutes leurs conclusions convergent vers une vérité souvent dévoyée dans les systèmes scolaires : le langage se caractérise par un puissant enracinement affectif. Ces spécialistes nous disent qu'il ne saurait y avoir de progrès durables dans le langage chez l'enfant sans que ne soit pris en compte son besoin d'expression et de compréhension. Leurs travaux ont énormément influencé les mouvements de rénovation de l'enseignement des langues. Ils ont servi de base de réflexion aux pédagogues novateurs et autres linguistes branchés sur la pédagogie de l'oral à l'école primaire (cycle décisif dans la vie de l'enfant). Nous citons quelques-uns d'entre eux : Dans L'Educateur, une revue française dédiée aux questions éducatives et scolaires, Georges Galichet écrit au début des années 1970 : « L'entraînement à la communication constitue la finalité principale de l'enseignement de la langue maternelle. Ce faisant, l'on néglige une autre fonction de la langue qui nous semble aussi importante : le langage est aussi instrument de pensée. Le langage est un agent producteur et organisateur de la pensée. » Et d'ajouter : « les enseignants ne sauraient trop méditer ce fait capital : en développant le langage chez l'enfant nous travaillons à l'édification de sa pensée, nous aidons sa personnalité à se structurer et à s'enrichir. » Dans cet article retentissant pour son époque, R. Galichet citera un passage tiré d'un ouvrage de référence : Le langage et la pensée, écrit par un autre spécialiste Chauchard : « … si l'intelligence a pu se développer, si nous sommes cultivés, capables de pensées abstraites, d'écriture, de calcul, de sciences, si nous jugeons nos actes, si nous avons une conscience morale épanouie, en un mot si nous pensons vraiment, nous le devons au langage. » Dans le souci de respecter le développement naturel de l'enfant exigence imposée à tout éducateur Louis Legrand souligne l'importance de la motivation dans la pédagogie du langage. Il s'élève contre le dogmatisme des méthodes de dressage qui transforment l'enfant « en perroquet » voire en robot. Lisons-le dans ce passage fort instructif : « Le mépris de la motivation dans la pédagogie du langage a des conséquences extrêmement graves. En méprisant les sources intentionnelles, l'enseignant est conduit à monter un ensemble de mécanismes autonomes, fonctionnant de façon purement psitttacique et tel que l'expression véritable ne puisse s'y couler. C'est ainsi qu'une expression mécanique montée de façon purement scolaire et sans tenir compte des besoins spontanés d'expression ne constituera, chez l'enfant, qu'une superstructure linguistique non assimilée, non intégrée, qui disparaîtra dès que cessera le conditionnement scolaire. » Célestin Freinet : « Nul n'aime tourner à vide, agir en robot, c'est-à-dire faire des actes, se plier à des pensées qui sont inscrites dans des mécaniques auxquelles il ne participe pas. »