Alors qu'on est parvenu au cinquante-cinquième anniversaire de la fin de la guerre d'Algérie, il demeure encore une famille d'anciens Français d'Algérie, la deuxième en quelques mois dans le sud de la France, qui demande une indemnité conséquente suite à son départ précipité d'Algérie en 1962. Le Conseil d'Etat a été saisi d'un nouveau pourvoi en ce sens. Sauf que depuis juin 2016, date d'un précédent pourvoi, une jurisprudence défavorable aux requérants a été inscrite dans les tables de l'arsenal juridique français. Pour cette précédente affaire, des requérants — de Marseille — avaient demandé à l'Etat «la réparation des préjudices matériels et moraux qu'ils estiment avoir subis du fait de leur rapatriement d'Algérie et de la spoliation de leurs biens», selon les termes qu'on peut lire dans la procédure du conseil d'Etat, instance supérieure habilitée à trancher en dernier lieu les contentieux administratifs. Ils reprochaient à l'Etat français la «faute» de ne pas avoir «prévu, lors des négociations des Accords d'Evian, une période de transition suffisante permettant aux ressortissants français résidant en Algérie de préparer leur retour dans des conditions acceptables, ni des garanties juridictionnelles efficaces pour faire valoir leurs droits à indemnisation auprès des autorités algériennes». Et que l'Etat français aurait manqué à sa promesse. Pour le Conseil d'Etat, suivant en cela la décision de la cour administrative d'appel de Marseille qui avait rejeté la demande initialement, «les Accords d'Evian avaient prévu des mesures de protection de la personne et des biens des ressortissants français installés en Algérie» et que la France «n'avait pas exposé les requérants à un risque exceptionnel de nature à engager la responsabilité sans faute de l'Etat», «lequel Etat avait prévu par la loi le retour et l'indemnisation des rapatriés. Sachant qu'une disposition législative posant le principe de l'intervention d'une loi ultérieure ne saurait constituer une promesse dont le non-respect constituerait une faute susceptible d'engager, devant le juge administratif, la responsabilité de l'Etat».Les nouveaux requérants réclament aujourd'hui à l'Etat français la somme de 1 750 000 euros, au titre du préjudice matériel, et 100 000 euros par personne au titre du préjudice moral. Si le Conseil d'Etat a accepté d'examiner ce pourvoi, c'est peut-être que les juges escomptent aller plus en avant sur les aspects juridiques complexes qu'une seule jurisprudence ne pourrait englober. A moins que le rapporteur public n'apporte de nouveaux éléments susceptibles de faire évoluer cette jurisprudence initiale, dans un sens ou dans l'autre.