La Chine, que sa croissance à deux chiffres rend vorace en énergie, a besoin de diversifier ses approvisionnements et se tourne naturellement vers son voisin russe, deuxième exportateur mondial de pétrole et premier pour le gaz naturel. Le géant asiatique et l'ex-union soviétique ont donné une nouvelle impulsion à leur coopération déjà étroite dans le domaine de l'énergie, à l'occasion de la visite à Pékin du Premier ministre russe Mikhaïl Fradkov. Ce dernier a achevé sa visite vendredi dernier avec à la clé la signature de plusieurs accords dans tous les domaines d'une valeur totale de 800 milliards de dollars, selon l'agence Chine Nouvelle. Autant dire que cette visite fut fructueuse à plus d'un titre. "Je pense que votre visite va approfondir la coopération entre nos deux pays et donner une impulsion à notre partenariat stratégique", a déclaré le président Hu à l'issue de sa rencontre avec M. Fradkov. Parmi les accords signés jeudi dernier par le haut responsable russe et son homologue Wen Jiabao, l'un porte sur une coopération entre le monopole russe de l'électricité SEU et la compagnie d'Etat chinoise State Grid. Selon le China Daily, qui cite des médias russes, en vertu de cet accord, la Russie commencera par fournir 4,3 milliards de kilowatts heures (kWh) par an à la Chine mais portera ensuite ses exportations annuelles, à quelque 60 milliards de kWh. La presse chinoise a déjà évoqué un projet bilatéral de construction de centrales électriques au charbon à la frontière pour approvisionner la Chine, mais selon des médias russes, les premiers kilowatts heures pourraient provenir de l'hydroélectricité. Deux géants chinois du pétrole sont déjà présents en Russie et viennent d'y conclure de nouveaux accords annoncés pendant la visite de M. Fradkov. Le chinois CNPC va ainsi créer une deuxième coentreprise avec le pétrolier russe Rosneft, dans le secteur du raffinage et de la distribution en Chine, a annoncé vendredi dernier le PDG du groupe russe Sergueï Bogdantchikov. La future raffinerie aura une capacité annuelle de 70 millions de barils, a-t-il précisé. Investissements Le mois dernier, les deux groupes avaient signé un protocole pour la création d'une première joint-venture, Vostok Energy, dans l'exploration et la production d'hydrocarbures en Russie, cette fois. "La collaboration avec CNPC garantit à Rosneft une bonne place sur le marché chinois", a commenté en Russie, l'analyste Valeri Vaïsberg, de la compagnie de conseils financiers Region. Un autre pétrolier chinois, Sinopec, a également conclu un protocole avec Rosneft portant sur un projet sur l'île de Sakhaline en Extrême-Orient russe, annoncé par M. Bogdantchikov qui n'a donné aucune précision sur son contenu. Sinopec est devenu le premier groupe chinois à prendre pied dans le secteur du pétrole en Russie, en gagnant le droit en juin de racheter le pétrolier russe Udmurtneft. Mais il a aussi conclu un accord avec Rosneft prévoyant in fine la prise de contrôle d'Udmurtneft par Rosneft. Au nombre des projets russo-chinois en discussions figure aussi la construction d'un oléoduc qui, selon des diplomates russes, pourrait acheminer jusqu'à 30 millions de tonnes de pétrole par an à la Chine. La Russie a déjà accepté d'approvisionner la Chine en gaz naturel via deux gazoducs qui, selon la presse chinoise, pourraient entrer en opération au début de la prochaine décennie. L'axe Pékin-Moscou ne cesse d'être donc renforcé avec ces nouveaux pas franchis dans la coopération énergétique. Les deux puissances ont enregistré une forte progression en matière de commerce bilatéral qui a bondi de 37,1% en glissement annuel en 2005, atteignant 29,1 milliards de dollars. Mais elles ne comptent pas s'arrêter là. Les échanges commerciaux entre les deux pays connaissent une croissance fulgurante tirée par la coopération énergétique. La Chine et la Russie ambitionnent en effet d'arriver à "entre 60 et 80 milliards de dollars d'ici à 2010 et d'assurer 12 milliards de dollars d'investissements chinois dans la Fédération de Russie d'ici à 2020", a indiqué cette semaine le vice-Premier ministre russe Alexandre Joukov.