Christof Ruehl, économiste en chef du groupe britannique BP, ne donne pas trop de crédit à la création d'une OPEP du gaz. « L'idée est stupide du point de vue économique », a-t-il déclaré hier à l'hôtel El Aurassi lors d'un point de presse à la faveur de la sortie de la revue des tendances énergétiques mondiales de BP. Selon lui, ce projet relève de « manœuvres politiques ». « Il n'est pas réalisable sur le plan économique », a-t-il soutenu. « Pour créer une telle organisation, il faut asseoir un marché mondial avec un prix mondial. Ce n'est pas le cas aujourd'hui puisque les prix sont différents et régionaux. La part du GNL (gaz naturel liquéfié) dans la production est faible, à peine 8%. Et pour avoir ce cartel, l'existence d'un producteur dominant est nécessaire, à l'image de l'Arabie Saoudite pour le pétrole. Producteur qui va pouvoir contrôler les excédents », a-t-il précisé. Il a ajouté que le prix du gaz est rattaché à celui du pétrole. Il a pris le soin toutefois de noter que l'Europe, en matière de gaz, dépend de l'Afrique du Nord (Algérie, Libye et Egypte) et de l'ex-Union soviétique. D'où la possibilité de création d'un marché régional qui imposera ses lois au vieux continent. Le récent rapprochement entre l'Algérie et la Russie a suscité l'inquiétude de l'Union européenne. L'UE peine à convaincre l'Algérie de signer un mémorandum d'entente sur l'énergie. Gazprom, le géant russe du gaz, va ouvrir des bureaux à Alger. La Russie veut profiter de l'expérience en matière du GNL et l'Algérie peut, à terme, obtenir des contrats russes de vente de gaz à l'Europe. Même si la part de la production est faible, la présence du GNL sur le marché mondial est croissante et avoisine les 28% actuellement. L'Algérie, la Russie et la Norvège sont les principaux fournisseurs de l'Europe en gaz. L'Algérie est le quatrième exportateur mondial de gaz, elle est septième selon l'importance des réserves. Proposée par l'Iran, soutenue par le Venezuela et la Russie, l'idée de l'OPEP du gaz fait l'objet d'études et d'analyses par des experts. Il s'agit de faire évoluer le forum des pays exportateurs de gaz, mis en place en 2001, et dont le rôle est purement consultatif. L'Algérie et le Qatar sont réservés sur la faisabilité de ce projet. D'après les données communiquées par Christof Ruehl, les réserves de gaz en Algérie couvrent 53 ans d'exploitation, celle du pétrole 17 ans seulement. « Nos statistiques sont bâties sur celles données par les gouvernements », a-t-il précisé. « En Algérie, la consommation interne de l'énergie va augmenter plus que la production. C'est une tendance ces cinq dernières années. L'économie en énergie est surtout constatée dans les pays consommateurs à cause de la hausse des prix sur les cours mondiaux », a-t-il noté. En termes chiffrés, les Algériens consomment 0,3% de l'énergie mondiale ! Si la croissance économique s'est maintenue à un niveau élevé ces dernières années, la consommation de l'énergie a baissé. Pour le pétrole, la baisse est estimée à 400 000 barils par jour dans les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la plus importante depuis vingt ans. La hausse des cours mondiaux d'hydrocarbures et l'adoucissement du climat sont les principales raisons de cette situation. Le charbon, perçu comme une énergie de substitution, a connu une hausse des prix de plus de 50% depuis 2001. A elle seule, la Chine représente 70% de la croissance mondiale de consommation de charbon. « La demande sur le charbon a été la plus importante ces dernières années. Cela s'est accompagné par une augmentation de l'émission de CO2 dans l'atmosphère », a souligné Christof Ruehl. D'après lui, la relative stagnation de la production et de l'utilisation de l'énergie nucléaire (réputée plus propre) est liée à des considérations politiques dont l'exemple-type est le tapage fait autour du dossier atomique iranien et nord-coréen. Pour le gaz, la Russie et la Chine sont les plus gros consommateurs en 2006 (55 milliards de mètres cubes pour l'empire du Milieu). Autre remarque de l'économiste (Christof Ruehl a travaillé également pour la Banque mondiale en Russie et le Brésil) : la croissance économique mondiale n'est plus concentrée dans la zone de l'OCDE, mais en Asie, au Brésil, en Russie... L'OCDE regroupe, entre autres, l'Allemagne, l'Australie, le Canada, l'Espagne, les Etats-Unis, la France, l'Italie, le Japon, le Portugal, le Royaume-Uni et la Suède. En termes plus simples, la croissance économique ne se fait pas dans les pays riches mais dans les pays émergents. Une situation qui explique les raisons des grands mouvements constatés en Europe ces derniers temps. Chaque année, et depuis 56 ans, BP publie la Statiscal Review of Worl Energy qui donne un aperçu détaillé sur les marchés de l'énergie.