Deux jours seulement après le rapatriement volontaire de cinq harraga d'Espagne, dans la nuit de samedi à dimanche, 63 autres ont été secourus par les garde-côtes au large des côtes oranaises. Les 63 candidats, tous originaires des quartiers populaires d'Oran (Ras El Aïn, Les Planteurs, centre-ville, etc.) étaient entassés à bord d'une seule embarcation, un sardinier, au lieu, semble-t-il, d'un chalutier.Après quelques miles seulement de navigation, l'embarcation est tombée en panne aux environs de minuit. En effet, les témoignages recueillis hier matin au port d'Oran ont laissé entendre qu'ils avaient payé entre 150 000 et 160 000 dinars leur place à bord d'un chalutier, synonyme pour eux d'une traversée sans problème. A la dernière minute, ils embarquèrent, samedi soir, aux environs de Aïn El Turck, entassés dans un sardinier. Toujours selon les mêmes sources, cette traversée était préparée depuis le mois de Ramadhan. Depuis quelques semaines, le nombre de candidats à l'immigration clandestine dépasse l'entendement. Certains avancent le chiffre de 175 auxquels il faut ajouter ceux secourus hier. Ces chiffres révèlent l'ampleur des difficultés de la vie, du chômage auquel sont confrontées de larges couches de la jeunesse, de la marginalisation systématique et de la mise à l'écart. Autant de raisons évoquées et qui poussent les fugueurs à tenter le voyage de la dernière chance. Et parmi eux, bien sûr, figurent ceux qui appartiennent aux milieux les plus pauvres pour qui, assez souvent, ce voyage vers l'inconnu est celui de la dernière chance afin de sauver la famille de ses difficultés quotidiennes. En effet, le nombre de jeunes qui tentent désespérément, souvent au péril de leur vie, de quitter le pays clandestinement à bord d'embarcations de fortune est en nette augmentation et leur âge est de plus en plus jeune. Les statistiques qui, d'ailleurs, ne prennent en compte que les tentatives échouées, prouvent par les chiffres cette tendance à la hausse. Sinon, comment expliquer qu'un jeune âgé d'à peine 19 ans cumule à son actif quatre tentatives d'embarquement clandestin et affirme à qui veut l'entendre qu'« il tentera encore et encore sa chance pour échapper à la détresse de sa cité ? » Qu'est-ce qui peut pousser un jeune de 17 ans à braver tous les dangers en quête d'un eldorado outre-mer ? Cet état de fait est, selon de nombreux observateurs, « le résultat d'une politique sociale et d'un projet de société qui ont tourné résolument le dos à 70% de la population de ce pays. » Un responsable au niveau local nous confiera : « Les jeunes non qualifiés sont les victimes prioritaires et durables du fonctionnement du marché du travail. Face à un coût collectif gigantesque, apparaissent clairement les insuffisances du marché de l'emploi et de sa gestion à court terme, privilégiant la rentabilité immédiate plutôt que l'intégration à long terme. Il nous faut payer aujourd'hui les pots cassés. Nous ne récoltons, au fond, que ce que nous avons semé. » Ce constat, aussi amer soit-il, sous-entend malheureusement que tant que les causes du désespoir de toute une jeunesse ne seront pas bannies, il y aura toujours des candidats à l'exil forcé.