Y a-t-il un fossé entre les assureurs et les assurés ? Au vu des réponses des citoyens interrogés lors d'un débat organisé par l'hebdomadaire Le point économique avant-hier à Alger, tout porte à croire que l'écart se creuse. Une pléiade de responsables des compagnies d'assurance et de spécialistes du secteur ont tenté de répondre, au cours de ce débat, aux doléances et craintes des assurés. Celles-ci s'articulent principalement autour des « lenteurs des remboursements », « le manque de confiance » et d'une probable incompatibilité avec la religion. L'on ne sait pas, cependant, si ces facteurs sont à l'origine de la « stagnation » que connaît ce marché. Pour Amara Latrous, PDG de la SAA et représentant de l'Union des assureurs et des réassureurs (UAR), le marché des assurances ne peut pas rester en retrait des bouleversements que connaît l'Algérie. « Depuis trois ou quatre ans, le marché a connu une croissance à deux chiffres qui a tourné autour de 15%. L'on ne peut pas parler de ralentissement, mais d'une certaine stagnation », a-t-il affirmé. Les assurances réalisent néanmoins un chiffre d'affaires annuel de 600 millions de dollars (50 milliards de dinars). Mais leur rôle reste encore très limité dans la mesure où il ne représente que 0,56% du PIB national. De l'aveu même du directeur des assurances au ministère des Finances, Hadj Mohamed Seba, les assurances ne pèsent pas encore très lourd dans notre pays. La nouvelle loi sur les assurances vise justement, selon lui, à stimuler le marché à travers la séparation des activités des assureurs (ils seront tenus de se spécialiser dans l'assurance des personnes ou l'assurance des dommages) ainsi que le renforcement de la sécurité financière du marché à travers la création d'un fonds de garantie des assurés et la supervision. La CAAR réfléchit déjà à la possibilité de créer une filiale qui se spécialiserait dans l'assurance des personnes. Cette compagnie se prépare, par ailleurs, à s'adapter aux normes internationales en vue de sa privatisation. Pour M. Messaoudi, secrétaire permanent du Conseil national des assurances (CNA), « les textes d'application sont très importants, mais ne suffisent pas à eux seuls ». « La pratique professionnelle, l'implication des autres institutions, les efforts que peuvent effectuer les compagnies d'assurance et le secteur public ont un rôle important à jouer dans le développement du secteur des assurances », affirme M. Messaoudi. Selon lui, le secteur des assurances doit faire sa mue. « Le secteur des assurances et celui de la banque sont restés dépendants du ministère des Finances. Il faudrait qu'elles soient traitées comme des entreprises », a-t-il asséné. Un avis que partage M. Naouri, consultant en assurances, qui estime que « la réalité n'est pas à la hauteur des textes ». Le cas de l'assurance-vie est, selon lui, l'un des exemples les plus édifiants de cette « réalité ». Cette branche d'activité a, en effet, réalisé ces dernières années un rendement déficitaire de (-1%). Selon certains spécialistes, l'assurance de personnes ne représente que 5% du marché et a des difficultés à se développer, en raison, diront-ils, de la religion qui verrait d'un mauvais œil cette formule. Alors, y a-t-il une compatibilité entre l'islam et assurance ? M. Sebaa du ministère des Finances estime qu'il faudrait lever cette confusion. « Pourquoi les gens ne se sentent pas gênés de toucher une retraite et ils le sont pour l'assurance. L'une et l'autre obéissent au principe de protection », argumente-t-il. Jean Paul Roux, représentant de Salama Assurance (l'une des filiales d'El Baraka Bank) estime qu'« une assurance Halal » est possible. Sa compagnie d'assurances qui est compatible avec les préceptes de la religion devrait être opérationnelle en Algérie à partir de 2007. M. Belaribi, représentant de la SAA, a indiqué, pour sa part, que le nombre de souscriptions aux catastrophes naturelles a augmenté de 4% durant les neuf premiers mois de l'année 2006. L'assurance d'habitation a marqué une hausse de 36%. Le nombre des souscriptions des entreprises industrielles a, quant à lui, marqué une baisse importante de l'ordre de 30%. Le cadre de la SAA a mis cela sur le compte des notaires qui ne demandent plus d'attestation des assurances. Concernant les prix excessifs décriés par les citoyens, les assureurs ont laissé entendre que les tarifs obligatoires de l'assurance-auto ruinent les compagnies. « Nous avons demandé, à maintes reprises, de rééquilibrer les tarifs, en vain », regrette M. Latrous. Face aux grands drames de la route, l'Algérie est, selon eux, le seul pays qui pratique des tarifs aussi bas. Même s'il reconnaît que les coûts de l'assurance devraient s'arrimer au pouvoir d'achat, M. Nejari, représentant de Trust Assurance, estime que la branche auto est déficitaire. Les assureurs réclament une hausse de près de 40%. « Si les prestations de services ne sont pas de qualité, c'est justement parce que les prix ne sont pas suffisants », pense-t-il. Un retraité interviewé pour les besoins de ce débat s'est demandé : « Comment peut-il percevoir une pension de 10 000 DA et payer 6 000 DA d'assurance-vie (ou toute autre assurance) par an », tout en reconnaissant les avantages de l'assurance pour « ceux qui ont les moyens ».