L'assurance des personnes est-elle compatible avec la religion ? La question mérite d'être posée à l'heure où le secteur des assurances en Algérie ambitionne de “se positionner à l'avant-garde du développement et de la modernité”. Elle reste posée d'autant que des citoyens, pour une raison ou pour une autre, demandent des éclaircissements à ce sujet, des citoyens qui n'appartiennent pas nécessairement aux milieux islamistes. “Est-il correct de contracter une assurance-vie ? Est-ce haram (péché) ou pas ?” C'est une des question posée par des citoyens dans le documentaire projeté hier par “Les débats de l'entreprise”, la 3e rencontre organisée conjointement par le magazine Algérie-Entreprise et l'hebdomadaire Le Point économique, à l'hôtel Mercure, à Alger. Mais, le reportage en question a aussi montré que la grande préoccupation des personnes interviewées n'est pas tant de payer ou non l'assurance-vie ou les autres assurances contre les risques pouvant affecter les individus et leurs biens, mais de connaître le “montant” de chaque assurance en relation avec le pouvoir d'achat des familles et des individus. Sauf pour les commerçants contraints de se conformer à la loi, qui ont fait part du caractère “obligatoire” de l'assurance contre les risques de catastrophes naturelles, de même que ceux qui possèdent un véhicule. “L'assurance est une bonne chose pour les gens aisés, pas pour un retraité comme moi dont la pension est déjà insuffisante”, a résumé un des interviewés. Un autre citoyen portant une longue barbe a été catégorique : “L'assurance est normalement un péché.” Pourtant, il admettra plus loin qu'en Arabie Saoudite, “certaines assurances ont vu le jour”. Un commerçant fera remarquer, pour sa part, que “Baraka Assurance a supprimé l'assurance-vie, parce qu'elle pense que c'est haram”, ne sachant quoi penser. Dans leur message aux assureurs, les personnes questionnées ont soulevé un certain nombre de lacunes, à l'exemple des lenteurs dans les indemnités, la lourdeur des procédures, l'absence ou l'imperfection de l'information et de la publicité, ainsi que le fait d'être mal écouté par les compagnies d'assurance. “C'est à l'Etat de nous dire qui sont les compagnies d'assurance agréées”, a encore demandé un citoyen interviewé. Ce reportage, comme on le voit, a mis en exergue le fossé qui existe entre assureurs et assurés (ou futurs assurés), ces derniers ne disposant même pas d'une association “pour défendre leurs droits”. Dans son intervention, Mohamed Seba, représentant du ministère des Finances, a constaté de lui-même que “le rôle du secteur des assurances est encore limité”, précisant que celui-ci ne pèse que 0,56% du Produit intérieur brut (PIB). “Ce secteur doit s'approcher des attentes des citoyens et des entreprises”, a-t-il plaidé. Le directeur des assurances a, en outre, relevé que la nouvelle loi, promulguée cette année, confirme “le caractère ouvert” du marché de l'assurance aux compagnies privées, nationales et étrangères, comme elle tend à “stimuler l'activité” et à “assurer la sécurité du marché”. “Tout l'enjeu du secteur est de savoir comment rassurer le citoyen et les entreprises, et rassurer les autorités qui régulent ce marché”, a déclaré M. Seba, non sans noter que la nouvelle loi vise la création d'un “marché propre aux personnes”. Le secrétaire permanent au Conseil national des assurances (CNA), Abdelmadjid Messaoudi, a tenu un discours plus critique, où “l'implication des assurés” semble déterminante à ses yeux, “pour permettre au secteur d'évoluer, en termes de qualité de services”. “Le débat n'est pas fini à mon sens autour de la nouvelle loi”, a indiqué le responsable de l'organe consultatif, en ajoutant : “L'assurance n'est pas seulement une affaire d'assurance, mais aussi des organismes publics et parapublics.” Avant d'appeler à la “mue” du secteur public des assurances : “Le secteur public est resté très dépendant de la tutelle administrative”. Hafida Ameyar