C'est le deuxième palier du processus électoral qui doit s'achever l'année prochaine et qui, normalement, doit permettre de tourner sans heurt la page de l'ancien régime. Et aussi ancrer la démocratie. Les autorités mauritaniennes devraient se frotter les mains. Leur régime issu du coup d'Etat de 2005 n'est pas frappé d'ostracisme. Ni boycott ni embargo. Le seul ennui viendrait des criquets qui annoncent leur retour. Ce qui ne fait pas partie des prévisions. Toujours est-il que le monde semble avoir affiché une certaine complaisance envers les auteurs du coup d'Etat contre un régime élu, il faut bien le rappeler et son chef accueilli dans de nombreuses capitales, notamment celles qui se déclarent soucieuses de la préservation de l'ordre démocratique. Cela est une autre histoire. En tout état de cause, les autorités mauritaniennes passent aux actes, celui du retour au processus électoral qui leur a déjà valu les félicitations de l'Europe. Son commissaire au Développement Louis Michel a salué les avancées du processus démocratique en Mauritanie, estimant que les engagements de la junte vis-à-vis de l'Union européenne (UE) avaient été remplis « à plus de 90% ». Toutefois, le chef de la mission d'observation électorale de l'Union européenne (UE) en Mauritanie, Mme Marie-Anne Isler Beguin, a de son côté estimé que « des doutes restent à lever » chez les Mauritaniens pour la réussite des élections. « Il y a encore des doutes à lever chez les citoyens. Il faut leur redonner confiance et les convaincre qu'ils ne sont plus sous la contrainte comme par le passé », a-t-elle déclaré à la presse. Arrivée au pouvoir après un coup d'Etat militaire en août 2005 contre l'ancien président Maaouiya Ould Taya, la junte mauritanienne a engagé un processus de retour à la démocratie devant s'achever avec un scrutin présidentiel prévu en mars 2007. Après un référendum constitutionnel largement approuvé par la population en juin dernier et les élections municipales et législatives prévues en novembre, un scrutin sénatorial doit avoir lieu en janvier 2007, avant la présidentielle. A croire que l'Europe n'entend tenir compte que des simples échéances, ou du seul discours officiel. Car il s'agit dès aujourd'hui d'élections parlementaires (premier tour) et locales, c'est-à-dire pourvoir les institutions prévues par la nouvelle Constitution, et là, il n'y a pas qu'un discours, ou encore qu'il n'est pas univoque. Il est vrai que les autorités ont assuré qu'elles quitteront le pouvoir, mais rien ne dit qu'elles s'en éloigneront. Et ce sont les partis engagés dans la compétition électorale qui soulèvent cette problématique. Ces partis politiques, dont l'ancien parti au pouvoir et les principaux partis de l'ex-opposition, ont appelé les autorités à cesser « tout soutien aux listes indépendantes » afin de rétablir le climat de confiance. « Pour rétablir la confiance et sauver le processus démocratique, nous demandons (à la junte) de cesser immédiatement son soutien à des listes indépendantes factices, à leur orientation, leur financement et à la coordination de leurs activités », a déclaré le porte-parole des partis. La junte est accusée de soutenir des candidats indépendants, pour tenter d'affaiblir les partis traditionnels. Le porte-parole des partis, Ahmed Ould Daddah, a affirmé que « les partis politiques, (...) incontournables en démocratie, demeurent disposés et restent ouverts pour parvenir à une sortie de crise concertée afin de dépasser cette impasse sur la voie de l'espoir et de la concorde nationale ». Il a estimé que le soutien apporté selon eux par le pouvoir militaire à ces listes indépendantes a constitué pour la classe politique une « très grande déception après tant de travail en commun (...) pour des élections transparentes dans le pays ». En guise de réponse le chef de la junte, ce dernier aurait déploré le « statu quo politique » qui serait de nature à « bloquer, voire anéantir » les changements voulus par le putsch du 3 août 2005. « Comme sous l'ancien régime, il y a toujours le parti qui était au pouvoir (sous Ould Taya), encore très puissant, dont le succès (aux prochaines élections) nous ramènerait en arrière et une opposition radicale incapable d'imaginer un programme politique clair et rassurant pour le pays », aurait-il affirmé. Il aurait en conséquence appelé à l'émergence d'une « troisième voie » qui pourrait être constituée par une majorité de députés « indépendants » au Parlement. Après ces rencontres, plusieurs « initiatives » ont fait jour pour constituer une coordination de « soutien aux candidatures indépendantes » dans le pays, puisant, pour l'essentiel, dans le vivier électoral de l'ancien parti au pouvoir. « C'est une intrusion grave dans le jeu politique qui est venue altérer le climat de confiance et de sérénité auquel nous avons tous contribué et qui a jusqu'ici caractérisé la transition », a notamment protesté le Parti républicain pour la démocratie et le renouveau (PRDR, ex-parti au pouvoir). Le coup d'Etat d'août 2005 visait à mettre fin, selon ses initiateurs, à « plus de 20 ans de pouvoir despotique » du président Taya, qui était au pouvoir depuis décembre 1984 à la suite d'un coup d'Etat. Il avait ensuite été élu trois fois lors de scrutins contestés. Le passé est un référent, mais comment ne pas y retourner si ceux qui ont pris la responsabilité d'engager le changement, n'ont pas pu ou su le mener ? C'est la question qui se pose.