L'avant-projet de loi portant amendement du code du travail, dont un copie a été remise par le gouvernement aux syndicats autonomes pour consultation, constitue «une remise en cause des acquis des travailleurs», selon Noureddine Bouderba, ancien syndicaliste, consultant en droit syndical. S'exprimant lors de la journée d'étude organisée hier par l'intersyndicale à Alger, consacrée au thème du nouveau code du travail, l'expert estime que le texte est «un recul injustifié» sur les acquis des travailleurs. «Rien sur le plan économique, social ou même politique ne justifie le recours à ces amendement», souligne M. Bouderba, lors de son intervention devant des syndicalistes. Pour cet expert, le texte que le gouvernement a proposé, comporte plusieurs dispositions qui confortent les employeurs dans leur pouvoir, sans les mesures de protection appropriées pour les travailleurs qui voient leurs droits rétrécir à mesure que les acquis des employeurs grandissent. «Le projet prend en considération l'intérêt et les soucis des employeurs et non ceux des employés, notamment pour ce qui est du recours au licenciement», explique l'intervenant. Le texte énumère les raisons pouvant justifier un licenciement, telle que la faute grave ou l'inaptitude, mais ne définit pas ces deux concepts et ne fixe pas les mécanismes d'application, ce qui laisse les employés dans une situation de vulnérabilité, favorable à l'employeur qui peut sans difficulté justifier le licenciement. Dans le même contexte, M. Bouderba estime que le nouveau code «a dépouillé» les comités de participation et la convention collective de leurs attributions. Ces instances qui pesaient dans la prise de décision avant de prononcer le licenciement se contenteront de constater les dérives possibles d'employeurs dans ce genre de situation, explique le même expert qui craint que «ce code ne sera pas appliqué dans sa rigueur pour protéger les droits des travailleurs, mais cette rigueur sera revendiquée quand il s'agira de sanctions». Le texte peut être considéré comme un signal fort de la part du gouvernement concernant «l'absence de volonté pour un traitement sérieux des dossiers du développement de la médecine du travail, de l'hygiène et sécurité dans les entreprises», analyse le même expert. «L'état fuit sa responsabilité en cas de faillite de la CNR et de la Cnas» De son côté, Mohamad Faradj, ancien directeur des ressources humaines dans une multinationale, et spécialiste en droit social, estime que les dispositions du projet de révision du code du travail constituent «un recul» sur le droit d'exercer une activité syndicale. La mobilisation des travailleurs doit également être orientée pour la protection du droit de grève «sérieusement menacé» avec les nouvelles dispositions introduites avec les conditions non réalistes imposées pour chaque préavis de grève. Le conférencier estime que la révision des dispositions fixant le rôle du délégué syndical et celle du délégué du personnel ainsi que l'interdiction de la double «casquette» a pour effet de restreindre la mobilisation des organisations syndicales. Aussi les nouvelles mesures que le gouvernement veut imposer pour l'organisation des grèves et de la médiation n'ont d'autre objectif que de réduire la représentativité des syndicats et interdire indirectement le recours à la grève, qui n'est plus ainsi un droit constitutionnel, explique le même intervenant. Pour ce dernier, le législateur, à travers projet de nouveau code, a résumé les trois lois régissant auparavant le travail, l'activité syndicale et les conflits individuels (les lois 90-11, 90-14 et 90-02) en un seul texte, dont les dispositions «sont puisées directement des arrêtés de la Cour suprême, et ne sont donc pas le fruit d'un travail de jurisprudence». «On ne parle plus d'emploi et de recrutement, mais plutôt de placement», souligne M. Faradj. «La sécurité sociale et la retraite ne se présentent plus comme un droit constitutionnel, mais comme un droit qui s'exerce dans le cadre d'un contrat de travail», déplore l'ancien DRH qui considère que cela est le prélude à d'autres reculs à l'avenir. «L'Etat fuit sa responsabilité en cas de faillite de la CNR et des caisses de Sécurité sociale», alerte le même conférencier. M. Faradj cite quelques points positifs dans le nouveau code, notamment ceux liés au travail pénible, soumis à une réglementation spécifique ainsi que l'encadrement du travail des mineurs, «bien que plusieurs brèches soient restées ouvertes». Pour cet ancien DRH, le contrat a durée indéterminée est considéré comme la règle dans la contractualisation de l'emploi et le CDD comme exception. «Mais le CDI n'échappe pas à la résiliation à la demande de l'employeur à tout moment, ce qui trahit la fragilité dans la relation de travail, même si des indemnités s'imposent au profit de l'employé.» Les dispositions de lutte contre le harcèlement en milieu professionnel sont aussi les bons points de ce code, selon M. Faradj, «mais encore faut-il que soient fixés le rôle de l'employeur et les mécanismes d'action contre ce fléau», ajoute-t-il.