Douze ans après son entrée en vigueur, l'Accord d'association entre l'Algérie et l'Union européenne semble établir une relation asymétrique entre les deux parties. La balance penche clairement du côté européen. Quand le dialogue politique ne rencontre pas de difficultés majeures, la coopération économique, elle, reste moins profitable à l'Algérie. Si, en effet, le partenaire européen reste le plus important investisseur en Algérie avec des IDE de 16,5 milliards de dollars en 2015, le gouvernement algérien se plaint régulièrement d'un accord dominé par le commerce aux dépens de l'investissement et de l'accompagnement dans la diversification économique. «L'Algérie attend que son partenaire européen puisse l'accompagner de manière substantielle dans la diversification de son économie et la promotion de ses exportations hors hydrocarbures, le renforcement de ses capacités humaines, institutionnelles et managériales (…)», a rappelé le directeur de la coopération avec l'UE, Ali Mokrani, récemment lors de la célébration du 60e anniversaire du Traité de Rome. Le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, qui a fait de ce dossier un des axes prioritaires de son action, a tenté à plusieurs reprises d'obtenir «une révision de l'accord». Une demande impossible à satisfaire dès lors que l'accord ne comporte aucune clause la possibilité d'une révision, se contentant alors de quelques correctifs marginaux sur le démantèlement tarifaire sans incidences sur les grandes tendances. De son côté, Bruxelles a pris conscience de la nécessité de prendre en compte les demandes algériennes, d'autant que la situation géopolitique régionale exige une coopération accrue et surtout une compréhension des requêtes algériennes. «L'Algérie est un partenaire stratégique pour l'Union européenne dans une coopération qui va au-delà du commerce», plaide-t-on à Bruxelles. Des mots qui rassurent sur la «solidité» des relations entre Alger et Bruxelles, mais ne peuvent impulser une dynamique économique favorable à l'Algérie en raison de l'absence des conditions objectives. Halim Benatallah, qui menait les négociations pour la signature de l'accord d'association dès 2002 alors qu'il était ambassadeur de l'Algérie à Bruxelles, résume bien l'esprit qui fait que l'Algérie ne peut tirer profit de l'accord. «L'accord est entré en vigueur en septembre 2005 sans que l'Algérie ne soit préparée, et puis après nous avons oublié que nous l'avons signé. Il ne faut pas s'étonner aujourd'hui de voir qu'il n'y a pas d'effet de retour dès lors que nous n'avons pas mis en place les réformes nécessaires pouvant permettre un environnement attractif qui par ailleurs n'existe pas. L'accord n'est qu'un cadre juridique qui offre des garanties aux investisseurs, et si nous-mêmes nous critiquons cet accord, comment voulez-vous que les investisseurs européens y croient ?» analyse Halim Benatallah. Ce dernier soulève une autre problématique encore plus difficile et à laquelle sera confronté le gouvernement algérien. «Dans deux ans et au terme de l'accord, nous serons en zone de libre-échange intégrale et notre pays n'est ni prêt ni préparé à cette échéance. Cela va nous mettre en déphasage par rapport à l'accord et surtout la perspective d'adhésion à l'OMC va s'éloigner. Que va-t-on faire à ce moment-là ? Va-t-on laisser l'accord tourner autour de lui-même ? Ça sera l'impasse», prévient Halim Benatallah. D'évidence, le gouvernement algérien reste rétif aux exigences des réformes nécessaires, de peur de perdre la situation de quasi monopole économique et politique ; il n'a fixé ni cap, encore moins il n'a pas de visibilité. Il navigue à vue. Les investisseurs nationaux et étrangers se plaignent d'un environnement peu favorable à l'investissement. «Nous sommes le seul pays où pour créer de la richesse et de l'emploi il faut une autorisation», brocarde Issad Rabrab, premier patron privé algérien. Au climat des affaires repoussant s'ajoutent une instabilité juridique et surtout une improvisation dans la prise de décision, comme l'illustrent les récentes mesures prises par le ministère du Commerce sur les licences d'importation. Sur le volet politique, l'article 2 de l'accord qui conditionne la coopération au «respect des principes démocratiques et des droits fondamentaux de l'homme, qui inspire les politiques internes et internationales des parties et constitue un élément essentiel du présent accord», est tout simplement ignoré.