Quels sont les enjeux de l'élection présidentielle dont le premier acte interviendra aujourd'hui avec le premier tour du scrutin ? Quelle France se dessinera au vu des deux candidats qui arriveront en tête et s'affronteront le dimanche 7 mai pour le second tour ? Au plan international, quelle sera la politique de la nouvelle équipe gouvernementale française, à l'heure où de nombreux défis s'imposent à la planète ? Que l'on pense seulement aux enjeux écologiques et climatiques, à la question du règlement des conflits, du terrorisme mondialisé, ou encore les déséquilibres économiques. L'issue du vote français ne sera pas neutre concernant ces domaines. L'avenir du pays et peut-être du monde se dessine aujourd'hui. QUID DE LA RELATION FRANCO- ALGERIENNE Pour les relations entre l'Algérie et la France, qu'adviendra-t-il de l'embellie entre les deux pays dynamisée en 2012 par les présidents François Hollande et Abdelaziz Bouteflika ? L'accord de coopération signé au plus haut niveau a vu, pendant cinq ans, un grand nombre de ministres des deux rives échanger des visites de travail. Le voyage du Premier ministre, Bernard Cazeneuve, dernier en date, à quelques jours du scrutin, est indicateur d'une embellie que le résultat de la présidentielle confortera ou entamera. Parmi les favoris pressentis, selon les sondages, Emmanuel Macron (mouvement En Marche ! ) est celui qui est allé le plus loin en déclarant, à Alger, que le colonisation a été un crime contre l'humanité. Idée qu'il a défendue jusqu'au bout, même s'il a regretté que son propos ait heurté la sensibilité de certains anciens d'Algérie, que sa déclaration ne visait d'ailleurs pas. On connaît, par ailleurs, la vision internationaliste de Jean-Luc Mélenchon. Le candidat de la France insoumise a toujours mis en avant la relation primordiale avec la rive méditerranéenne. En 2012, son élan avait été notamment brisé, parce qu'il avait montré son attachement au Maghreb. Il est certainement l'homme le plus disponible à prendre en compte la vague du monde, où les exacerbations des souffrances entraînent des déplacements de populations. Pour lui, la première ouverture est celle des consciences. Benoît Hamon (Parti socialiste et Europe Ecologie- Les Verts) est sur la même ligne. Ministre critique de la ligne sociale libérale de François Hollande, il avait démissionné avec d'autres pour manifester son opposition. Lui qui a clamé, lors de son discours parisien, «les odeurs de jasmin d'Alger» pour prôner, face à l'extrême droite, la fraternité avec ceux qui viennent d'ailleurs, ne pourrait pas se déjuger s'il était qualifié pour le second tour, même si cette expression lui a valu tous les quolibets du monde sur les réseaux sociaux. En fin de campagne, il a exprimé sa différence nettement avec les suppôts de la fermeture. Cela lui servira sans nul doute à bâtir un projet solide dans l'opposition, s'il s'avère comme c'est probable qu'il n'aille pas jusqu'à la victoire. LE «COMMUNAUTARISME FRANCO-FRANÇAIS» Que dire de François Fillon (droite) qui n'a cessé de justifier les «bienfaits de la colonisation» et l'a encore assumé avec force la semaine dernière ? S'il devait prendre les rênes du pays, seul le réalisme politique lui imposerait de ne pas dégrader les relations avec l'Algérie, mais de nouvelles avancées seraient improbables. François Fillon est aussi celui qui participerait à une certaine fermeture et à un communautarisme franco-français, sous prétexte de s'opposer à la montée des communautés d'«origine incontrôlée» (selon la belle expression des transfuges du groupe toulousain Zebda). François Fillon fustigeant là l'affirmation d'une communauté musulmane qu'il amalgame, à mots couverts, au terrorisme, même s'il veut séparer le bon grain de l'ivraie. De même, si Marine Le Pen (Front National, extrême droite) arrivait en tête, elle qui voudrait une France pure, comme si elle pouvait exister. Elle aussi reste dans la philosophie de base hostile à l'Algérie dans ce mouvement créé par son père nostalgique de l'Algérie française. Elle clame régulièrement sa détestation de notre pays, distillant son amertume qu'il soit indépendant. Si par exemple elle veut supprimer la double nationalité (bonjour le casse-tête juridique international), c'est surtout pour l'ôter aux Algériens. Lorsqu'elle intervient sur les actes terroristes, c'est avec dans le viseur les Algériens, ignorant que beaucoup de personnes qui passent à l'acte sont des Français «de souche», selon le terme qu'elle affectionne. On ne parlera pas ici de sa vision manichéenne qui exclut la misère économique et sociale, ainsi que la guerre (souvent peaufinée par l'Occident) qui fait fuir les migrants. A ces heurts mondiaux elle propose une France barricadée, allant a contrario d'un monde de plus en plus ouvert par les évolutions technologiques. LA FRACTURE ECOLOGIQUE Un mot enfin pour dire une des lignes de fracture la plus claire qui s'est imposée pendant cette campagne : la question écologique. Pour la France, pays le plus nucléarisé du monde, elle est d'importance. Il est d'ailleurs assez regrettable que la France ait perdu plusieurs années en ce domaine. Dès 2007, Ségolène Royal, alors candidate de la gauche, avait mis ce dossier en tête de ses priorités. La victoire de Nicolas Sarkozy (droite) avait facilité les lobbies industriels et financiers dans ce domaine, malgré le prétendu Grenelle de l'environnement en 2008 et la catastrophe de Fukushima en 2012. Aujourd'hui, Benoît Hamon parle de la transition écologique et Jean-Luc Mélenchon ose la question du monde qu'on laissera à nos enfants. Tous deux sont pour la sortie rapide du nucléaire dont le maintien coûte plus cher que le passage aux énergies renouvelables, selon les calculs des associations écologistes. A l'extrême droite, Marine Le Pen en parle peu. A droite, Fillon préfère parler économie. Au centre gauche, Emmanuel Macron n'est pas favorable pour quitter le nucléaire. Il y a là une vraie ligne de fracture qui, outre la France, intéresse le monde entier.