La capitale du Liberia (Monrovia) accueille aujourd'hui le 51e Sommet de la Cedeao (Communauté économique des Etats d'Afrique de l'ouest) dans un contexte réellement particulier, voire inédit par son format et ses enjeux sans commune mesure avec tout ce que cette institution régionale africaine a pu entreprendre depuis sa création le 28 mai 1975. C'est, bien entendu, la participation du Premier ministre israélien, comme pour marquer l'aboutissement d'un processus ou d'un forcing israélien que ses auteurs considèrent comme préparatoire à un sommet Afrique-Israël prévu en octobre prochain. Voilà des actes, et même des engagements, qui ne figurent pas dans l'agenda de l'UA (Union africaine), et qui suscitent déjà des interrogations. Qui a effectivement pris pareilles initiatives qui font grincer des dents ? Des pays importants de la Cedeao qui en compte quatorze (Bénin, Burkina faso, Côte d'Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Liberia, Mali, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone, Togo) ont décidé de réduire au minimum leur niveau de représentation à ce sommet en raison de leur désaccord avec l'invitation adressée au Premier ministre israélien. Benjamin Netanyahu s'est rendu en juillet 2016 dans quatre pays africains (Ouganda, Kenya, Ethiopie et Rwanda). Un premier constat permet de relever qu'il y a là une rupture quoique relative avec les idéaux et principes défendus par l'Afrique qui a toujours suscité l'intérêt d'Israël. Celui-ci s'est intéressé à l'Afrique dès 1956 et établi des relations diplomatiques avec trente-trois pays africains dans les années soixante. Mais en novembre 1967, soit quelques mois à peine après la guerre de juin 1967, mais immédiatement après un vote du Conseil de sécurité appelant au retrait israélien (Résolution 242) des territoires palestiniens et arabes qui venaient d'être occupés, vingt-neuf pays africains rompent tout lien avec Israël. Le mouvement sera encore plus important quand il était avéré qu'Israël était le plus fidèle allié du système de l'apartheid sud-africain, y compris au plan militaire avec une intense coopération s'étendant jusqu'au domaine nucléaire. Un tel mouvement sera encore plus dense au début de la décennie suivante marquée par une rupture quasi-totale. Elle sera aussi marquée par une plus grande proximité avec le monde arabe, au point de parler d'un ensemble arabo-africain, le point culminant en étant un sommet arabo-africain tenu au Caire en 1977. C'était quelques mois avant le voyage en Israël de l'ancien chef de l'Etat égyptien, le défunt Anouar El Sadate, suivi moins de deux années plus tard par la conclusion de l'accord de paix séparé égypto-israélien, connu sous l'appellation d'accord de Camp David. Et c'est en 1987 qu'Israël a tenté son retour en Afrique. Et trente années plus tard, l'on parle d'une rencontre en octobre prochain entre le Premier ministre israélien connu pourtant pour son extrémisme et son opposition à la satisfaction des droits nationaux du peuple palestinien, avec une trentaine de leaders africains à l'occasion d'un sommet Israël-Afrique que l'on dit à l'initiative d'un pays africain. Mais est-ce possible ? Les questions à ce sujet ne manquant absolument pas, et elles convergent toutes vers l'intérêt constant et toujours aussi grand qu'Israël porte au continent africain. Mais aussi sur les raisons qui ont ouvert la voie à ce retour, et elles sont bien réelles. Et là, pas la moindre improvisation, mais bien au contraire, une longue préparation avec notamment cette rencontre en septembre 2016 au siège de l'ONU entre Netanyahu et une dizaine de chefs d'Etat africains afin d'accélérer le rapprochement l'Afrique et Israël. Quant au sommet en question prévu dans la capitale togolaise, il paraît d'ores et déjà compromis dans la dimension qu'Israël entend lui donner, puisqu'il ne réunirait qu'une vingtaine de pays, bien loin de la moitié des membres de l'UA. Ce qui n'est pas sans risque pour l'organisation africaine, et rien n'exclut que ce soit là l'objectif des Israéliens. Des batailles nouvelles et qui pourraient être décisives pour le continent africain se profilent. Comment seront-elles menées ? M. L.