L'Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis, le Bahrein, le Yémen et l'Egypte décident par des mesures sévères d'étrangler le petit émirat, devenu en un temps record une puissance aux ambitions dérangeantes. Le golfe persique est plongé dans une crise inédite dont les conséquences vont remodeler profondément la carte géostratégique régionale. Les principales monarchies du Golfe déclarent la guerre à leur «petite sœur» le Qatar en lui infligeant une rupture globale. Une brutale mise au ban. L'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, le Bahrein, le Yémen et l'Egypte décident par des mesures sévères d'étrangler le petit Emirat devenu en un temps record une puissance aux ambitions dérangeantes. Une rupture diplomatique accompagnée d'un siège économique, les membres influents du Conseil de coopération du Golfe cherchent activement à fermer la parenthèse de la séquence du «printemps arabe» où le Qatar a joué un rôle décisif. C'est assurément une nouvelle guerre du Golfe. L'enlisement du conflit syrien, la guerre contre le Yémen, la sortie de l'Iran de son isolement diplomatique, l'arrivée au pouvoir d'une jeune génération — le tandem Mohamed ben Salman-Mohammed Ben Nayef en Arabie Saoudite et Mohamed Ben Zayed aux Emirats — et l'élection de Donald Trump sont autant d'arguments qui concourent à redessiner la carte régionale et surtout à redistribuer les rôles. Une nouvelle réorganisation géopolitique dans laquelle l'Arabie saoudite entend reprendre le contrôle et assumer un rôle de leadership et du gendarme du Golfe. Ce rôle commence par ramener Doha dans «la maison de l'obéissance» dont les divergences avec Riyad et Abu Dhabi sont irréconciliables. A commencer par la conduite à tenir vis-à-vis de l'Iran. Profitant de sa proximité avec la politique d'ouverture de l'Administration Obama et «sa main tendue» à l'égard de l'Iran et sa fermeté avec la monarchie wahhabite, le jeune émir de Qatar, Cheikh Tamim ben Hamad Al Thani s'est rapproché de Téhéran qu'il considère comme «un partenaire et un acteur de stabilité dans la région». L'axe Riyad-Dubaï suspecte une proximité qui pourrait offrir aux Iraniens une porte d'entrée dans un Golfe sous tension. L'isolement du Qatar vise, à cet effet, à couper les velléités iraniennes de prendre pied dans la région. Le Qatar, qui est militairement impliqué dans la guerre livrée aux chiites du Yémen, ne partage pas forcément les objectifs poursuivis par les Saoudiens et les Emiratis. Ces deux derniers veulent non seulement anéantir l'influence chiite au Yémen, mais surtout ils cherchent au mieux à affaiblir cette république en proie à une guerre civile, au pire la diviser en deux Etats. Revenir au Yémen d'avant le 22 mai 1990. L'arrivée au pouvoir de Donald Trump à Washington, farouchement hostile à l'accord avec l'Iran, est un moment de basculement. Elle constitue une circonstance aggravante pour le Qatar. Rapidement la nouvelle Administration américaine réoriente son alliance. «Réconciliation» avec Riyad avec lequel il contracte des accords commerciaux historiques (380 milliards de dollars). Le sommet islamo-arabo-américain (21 mai passé) tenu dans la capitale saoudienne était l'occasion pour Trump de remettre au-devant de la scène régionale l'Arabie Saoudite. Il faut souligner qu'avec les Emirats arabes unis, le président américain entretient des rapports privilégiés, notamment en raison de ses grands investissements économiques dans ce pays. L'ambassadeur émirati à Washington, Youssef El Otaïba, est l'homme-clé dans ces relations. Proche des décideurs de Washington, notamment les militaires et des lobbys pro-israéliens, il a réussi à infléchir la politique étrangère américaine vis-à-vis de la région en vilipendant le Qatar et l'Iran. Les Emirats arabes ont même suggéré aux Américains de déplacer leur base militaire au Qatar vers Abu Dhabi. Abdication Sensible au discours de l'antiterrorisme, Donald Trump ne peut qu'appuyer la politique de la monarchie saoudienne en la matière maintenant que la confiance est rétablie. Doha est ouvertement accusé de soutenir le terrorisme, d'abriter des organisations classées comme terroristes (Hamas palestinien, les Frères musulmans égyptiens, l'appui au Front Al Nosra en Syrie). Jamais une telle charge n'est sonnée contre un Etat par ses voisins. Une escalade qui prépare à une mise sous tutelle. Une intervention militaire directe est fortement redoutée, même si tous les acteurs directement ou indirectement impliqués n'y sont pas favorables. Quelle issue alors pour cette nouvelle et inédite guerre du Golfe ? Une abdication et sans condition ? C'est l'hypothèse la plus plausible. Au risque de s'exposer à une désintégration certaine, le Qatar n'a le choix que de se soumettre. Il sera alors contraint de «jeter» hors de ses frontières tous les chefs politiques du Hamas palestinien, les Frères musulmans égyptiens, de rompre avec Téhéran, de revoir sa position vis-à-vis du régime égyptien, de «corriger» la ligne éditoriale de sa chaîne satellitaire Al Jazeera. Bref, de revoir fortement à la baisse le rôle politique, diplomatique et militaire qu'elle assume depuis des années. Pour les Saoudiens et les Emiratis, le «petit vilain Qatar» doit rentrer dans les rangs, gardés désormais par Riyad. D'évidence, l'initiative punitive saoudienne sonne la fin d'une époque où le Qatar fixait les règles du jeu. Elle ouvre une nouvelle séquence post-«printemps arabe» détourné en remodelant profondément la carte géopolitique du Moyen et Proche-Orient. Une région où désormais l'Arabie Saoudite confirme son hégémonie concomitamment avec l'affaiblissement des «républiques» (Egypte, Syrie, Irak, Yémen). Le grand gagnant n'est autre que l'Etat hébreux qui devient de plus en plus fréquentable pour les monarchies arabes.