Lorsqu'elle dénonce l'ultralibéralisme en tant que doctrine et qu'elle condamne l'ouverture tous azimuts de l'économie algérienne aux lois du marché, Louisa Hanoune est dans son rôle d'opposante de gauche. Et c'est important que sa sensibilité idéologique existe — et avec constance — dans le paysage politique algérien, dont le moins qu'on puisse dire est qu'il a cruellement besoin de voix discordantes, tant il est étouffé par le discours dominant. Mais là où apparaissent des interrogations, c'est lorsque la secrétaire générale du Parti des travailleurs demande la tête de Abdelhamid Temmar et de Chakib Khelil, respectivement ministres des Participations et de la Promotion des investissements, de l'Energie et des Mines. On devine bien que ce qui révolte en eux Louisa Hanoune, c'est leur « excessif » penchant pour le libéralisme économique. Or ces derniers ne font qu'appliquer scrupuleusement le programme du président de la République, qui consacre un chapitre important aux privatisations et au rapprochement avec les milieux économiques extérieurs. Tenus, comme d'ailleurs l'ensemble du personnel dirigeant de l'Exécutif, de ne prendre aucune initiative propre, ils rendent compte régulièrement de l'évolution de leurs dossiers au chef de l'Etat, qui souvent les auditionne à titre personnel. On peut déduire que Bouteflika est satisfait de leur travail, sinon il les aurait remerciés depuis bien longtemps. C'est son style et son tempérament. Logiquement donc, c'est le chef de l'Etat, et non des exécutants, fussent-ils zélés, que la secrétaire générale du Parti des travailleurs aurait dû interpeller. Louisa Hanoune a, certainement, ses raisons pour ne pas le faire, mais, en préservant le premier — et unique — décideur du pays, elle développe une certaine contradiction politique. Alors qu'il est censé être critique et original, son discours pourrait ressembler à ceux des secrétaires généraux du FLN du RND et du MSP, lesquels ont pris le soin, eux, d'être conséquents avec eux-mêmes, en se mettant directement au service de Bouteflika. Ces partis de l'Alliance présidentielle ont compris que l'opposition, pure et dure, à l'image de celle développée notamment par le FFS ou le RCD, n'est pas payante et que les avantages s'obtiennent par la participation au pouvoir. En évoluant, lui et d'autres, à la périphérie du pouvoir, le Parti des travailleurs pense jouer un rôle de trouble-fête et susciter des changements de l'intérieur. Mais c'est un jeu à risque dans un système fondamentalement hostile à toute critique directe et franche, ne tolérant que celle qui est dosée et ne franchissant pas une certaine ligne rouge. Cette critique-là, le pouvoir l'accepte — et la sollicite même — car elle participe à lui confectionner un habit démocratique.