La Socothyd des Issers, une unité spécialisée dans la production des produits paramédicaux et d'hygiène corporelle, qui jusqu'à un passé récent était la seule du genre à l'échelle nationale, et qui au niveau régional se trouve être la plus importante, voire la seule entreprise publique d'envergure dans la wilaya de Boumerdès, vit depuis une année et demie des convulsions qui s'avèrent très nuisibles. En effet, depuis juin 2005, l'entreprise enregistre des mouvements de grève répétés et assez rapprochés dans le temps pour avoir la force de provoquer d'incommensurables préjudices pour l'entreprise. Bien que très important, étant de l'ordre de 2 millions de dinars de pertes de bénéfices par jour et allant de 6 à 7 millions de dinars/jour du chiffre d'affaires, ce tort est toutefois considéré comme étant « négligeable devant le mal moral qui, lui, est nettement plus dramatique ». Si le conflit a pour origine la dissolution du conseil syndical (UGTA) de la société prononcée par l'union de wilaya de Boumerdès du même syndicat par les instances, il s'enlise depuis avec, comme toile de fond, la privatisation de cette société. Figurant parmi les entreprises publiques programmées pour être cédées au privé, la Socothyd n'a depuis l'annonce de cette mesure eu de cesse de bouillonner. Juin et puis décembre 2005, janvier, février, avril et enfin octobre et novembre 2006. Des blocages à répétition. Avec autant de mouvements de protestation, l'entreprise ne pouvait qu'en pâtir. Les partenaires de la Socothyd sont inquiets et les soumissions pour sa reprises sont bien évidemment influencées par ce vent incessant de contestation. « Le privé ne s'intéresserait pas à une entreprise où le climat semble malsain. S'il ose prendre certains risques ce sera certainement avec une compensation du côté de la valeur de la société en n'offrant qu'une somme très en deçà de ce que vaut réellement l'entreprise. D'ailleurs la première consultation a échoué à cause du prix mis par les soumissionnaires. Le plus offrant a proposé un montant représentant 20% de la valeur réelle de la société », nous a dit un cadre de l'entreprise. Aujourd'hui « la situation interne est dramatique ; elle appelle des mesures énergétiques pour que chacun assume ses responsabilités. Il faut agir dans le sens d'un travail de redressement qui mettra fin à l'instabilité qui mine la Socotothyd car beaucoup de travailleurs subissent des pressions moralement condamnables et réglementairement illégales à un moment où l'entreprise s'est lancée dans un processus de modernisation audacieux », nous a dit le conseiller de la société. La grève en cours dans l'entreprise depuis mardi dernier a pour principales revendications le départ du PDG et la désignation d'une commission d'enquête pour plancher sur les 5 dernières années de sa gestion. Se voulant ferme, la direction ne veut plus reculer : les 20 travailleurs suspendus pour avoir été « à l'origine d'un mouvement de grève illégal ne reprendront leurs fonctions que si la commission de discipline le décide », nous a dit le PDG. « On me reproche la mauvaise gestion alors même que les deux délégués des travailleurs, aujourd'hui à la tête de toute cette agitation, ont approuvé nos rapports de gestion et les comptes de l'entreprise lors de la réunion du comité de participation. On m'accuse de mal gérer alors qu'on me refuse de sanctionner une femme coupable de vol de 175 compresses qu'on a trouvé sur elle au moment de sortir de l'usine après une alerte donnée par les services de sécurité soupçonnant l'approvisionnement de milieux hautement suspects pour ne pas dire terroristes. Le prolongement de la fouille dans les vestiaires de cette femme dont elle seule et sa collègue ont la clé nous a permis d'y découvrir 400 autres compresses et 600 bandes prêtes à être dérobées. Ils sont venus me menacer suite à cette prise me suggérant de ne pas déposer plainte et de me limiter à seulement 3 jours de mise à pied », dit-il. Se défendant d'avoir mal géré l'entreprise, comme l'avancent les travailleurs, M. Achaibou nous a déclaré que ces dernières années 380 postes d'emploi ont été créés dans la Socothyd qui a également investi pas moins de 8 millions de dollars pour sa modernisation. « On m'accuse de vouloir privatiser l'entreprise alors que la décision ne me revient pas, encore moins aux travailleurs. On me reproche de privilégier Phadelco pour la reprise de la Socothyd alors que pour tout l'or du monde je ne resterais pas dans cette boîte si elle est privatisée », déclare-t-il en outre. Répondant aux griefs retenus contre lui par les travailleurs, le PDG dira que si l'atelier de tissage est fermé, c'est parce que son matériel, vieux de 25 ans, est vétuste. « En outre le prix de revient de la gaze tissée chez nous est de 19 dinars le mètre linéaire alors que celle importée, qui est de meilleure qualité, nous revient à 7,8 dinars. C'est les raisons pour l'arrêt du blanchiment, dit Achaibou. L'élimination de ces activités fait gagner à l'usine quelque 14 milliards de centimes par année, soutient-il. Les travailleurs lui reprochent aussi le blocage de l'atelier de la bande élastique et à lui de répondre que cela est dû à l'arrêt des activités de l'Enatex qui approvisionnait son entreprise. Cependant nous avons lancé une consultation et avons entrepris des démarches pour importer le fil », dit-il encore. Privatisation : quatre nouveaux soumissionnaires La première consultation ayant échoué, un deuxième dossier de soumissions vient d'être ouvert, nous apprend-il. La nouvelle consultation est partie sur la base d'une valeur de 1,7 milliard de dinars pour l'entreprise en plus des 138 millions de dinars d'investissement « dont on tiendra compte dans les soumissions ». Jusqu'ici, 4 investisseurs se sont manifestés dont une entreprise tunisienne, une autre entreprise franco-suisse et deux investisseurs de la région de Boumerdès, précise-t-il. Réponses aux remarques du commissaire aux comptes Revenant sur les conclusions du rapport du commissaire aux comptes qui fait état d'anomalies et irrégularités, M. Achaibou estime nécessaire de préciser que les « investissements engagés alors que l'entreprise est en phase de privatisation et qui ne sont pas réceptionnés », comme mentionné dans ledit rapport, concernent des équipements commandés avant le lancement de la consultation. « Et comme se sont des actions de mise à niveau et que la procédure de privatisation n'est pas limitée dans le temps, l'entreprise est tenue de poursuivre ses performances. Et si d'ici à 2007 ou 2008 par exemple la société n'est pas privatisée, faut-il alors arrêter de la mettre à niveau ? », s'interroge-t-il. Au sujet des investissements engagés et qui ne sont pas réceptionnés, il dit que « le jour du passage du commissaire aux comptes, le chef du département comptabilité était en prison et que son bureau était scellé. Cela dit, le rapport du commissariat aux comptes ne fait pas ressortir cette précision. En somme, le PDG dit avoir tenu compte des « réserves techniques du commissaire aux comptes » et que ses services ont élaboré un rapport explicatif auquel ils ont joint des pièces justificatives. Cent-dix millions de dinars de créances Les 110 millions de dinars de créances qu'avancent les travailleurs pour étayer leur accusation de mauvaise gestion, détournement, malversations et autres « seront recouvrés selon un échéancier dont ont convenu l'entreprise et ses partenaires ». Cela dit ce chiffre, comparé aux 4000 milliards représentant le chiffre d'affaires de l'entreprise durant ces 3 dernières années est insignifiant, ajoute notre interlocuteur. Dans ce chapitre il souligne que la direction de l'entreprise n'a pas perdu de vue ce dossier puisque les poursuites judiciaires contre certains clients ont déjà porté leurs fruits. Il cite le cas de Selka de Tlemcen qui a 11 millions de dinars. « Suite à notre action, le gérant a été condamné à une peine de prison et sa villa sise à Beni Saf est saisie pour être vendue aux enchères. Il avance aussi l'arrestation du directeur de l'unité de Bordj Menaiel et le chef du département comptabilité coupables du détournement de 14,5 millions de dinars. Achaibou a introduit une demande de démission « J'ai introduit une demande de démission depuis 4 mois en même temps qu'une demande d'une expertise comptable des cinq dernières années. La tutelle est libre, cela s'entend de désigner le bureau d'études qui lui sied pour mener cette tâche. Mais je suis net, je n'ai rien à me reprocher. Je tiens aussi à dire que deux autres expertises avaient déjà été faites par le passé, sur ma demande concernant les périodes allant de 1990 à 1995 et de 1995 à 2001 », ajoute-t-il. Pour dire sa bonne gestion, Achaibou s'appuie sur les certification Iso, celle des normes européennes et celle environnementale qui est en voie d'achèvement, dit-il. L'entreprise gagne à nouveau la confiance de ses anciens clients Perturbée par la circulaire du ministère de la Santé qui fait obligation aux hôpitaux de s'approvisionner chez le moins disant, l'entreprise a dans un premier temps perdu beaucoup de clients. Mais lorsque les hôpitaux se sont aperçus que le produit de la Socothyd n'est pas seulement une question de prix, beaucoup sont revenus après avoir exploré d'autres voies. "Nous fournissons un produit imbattable sur le plan qualité et sécurité", dit Achaibou. Mais voilà que d'autres perturbations les éloignent, s'indigne-t-il. Situation explosive La situation s'annonce cette fois encore plus qu'explosive, comme les deux parties campent sur leurs positions. Les travailleurs soutiennent que la gestion n'est pas saine et que, par conséquent, le premier responsable doit partir. Celui-ci estime de son côté qu' « il y a une poignée de travailleurs qui exerce une énorme pression sur les autres pour déstabiliser la société ». La grève entamée le 30 octobre dernier sera-t-elle la dernière dans cette boîte qui était, et qui demeure encore, un fleuron de l'industrie parapharmaceutique.