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Quelque chose de pourri dans l'orphelinat de Hamma Bouziane
Graves accusations à l'encontre des gestionnaires ; le Ministère de la Solidarité dément
Publié dans El Watan le 02 - 08 - 2017

Younès, Racim, Mourad et Mimoun (les prénoms ont été modifiés pour préserver l'identité des adolescents), tous pensionnaires de l'Etablissement pour enfants assistés de Hamma Bouziane (Constantine), racontent, dans des enregistrements sonores dont nous détenons une copie, les viols, les maltraitances et les brimades qu'ils auraient subis dans cet orphelinat.
Le ministère de la Solidarité estime qu'il s'agit là d'accusations sans fondement. Les pensionnaires de cet établissement de Constantine —18 au total — opposeraient une résistance à leur transfert vers Tébessa, tentant par tous les moyens de torpiller ce projet. Du flot de mots que Younès, 20 ans, déverse, on retient un profond dégoût. «J'ai vu beaucoup de choses, des trucs inacceptables, que ce soit dans l'Etablissement pour enfants assistés de Ziadya ou à Hamma Bouziane, mais je n'ai eu personne à qui parler», commence-t-il. «Depuis que j'y suis entré, le directeur se fichait complètement de nous et la prise en charge des éducateurs était des plus médiocres.»
A l'en croire, le directeur était de mèche avec les éducateurs dans plusieurs intrigues. Entre les pensionnaires, la situation n'était guère plus réjouissante. La loi du plus fort y règne : les grands martyrisent les plus petits. «J'ai fait partie de ces enfants maltraités, confrontés aux coups des plus grands du matin au soir. Maintes fois, j'ai souhaité la mort plutôt que de rester dans cet enfer.
On me prenait mes affaires, tout ce qu'on me ramenait, je ne le trouvais plus, j'étais frappé sans raison», confie Younès. «Il y a eu des grands pensionnaires qui ont violé les plus petits. Ils ont fait beaucoup de choses graves, mais l'ancien directeur n'a pris aucune mesure à leur encontre. Il les appuyait de toutes les manières. Ils entraient et sortaient comme ils voulaient, vendaient de la drogue, des stupéfiants… Ils faisaient entrer des filles et improvisaient des soirées.
C'était la catastrophe. Ils faisaient ce qu'ils voulaient.» Le jeune homme semble libérer une parole longtemps enfouie : «Nous étions à un âge où nous avions peur de parler. En ce qui me concerne, j'avais peur d'élever la voix. Je dormais avec les coups et je me réveillais avec les coups. Je tremblais de peur, il n'y avait personne pour prendre ma défense.»
Le secrétaire général du ministère de la Solidarité nationale, Hamdi Rabah, se montre, lui, dubitatif face à ce témoignage. «Le problème réside dans le fait que cet établissement, dans lequel logent 18 pensionnaires, sera transformé en Centre psychopédagogique (CCP). Les actuels pensionnaires seront ainsi transférés à l'Etablissement pour enfants assistés de Bekaria à Tébessa. Et ils s'y refusent.» «Le fait est que cet établissement a une grande capacité et peu de pensionnaires (ils sont à peine 18).
En comptabilisant les deux centres de la région (Hamma Bouziane et Ziadya), nous aurons ainsi 300 places pédagogiques pour handicapés mentaux à la rentrée prochaine», explique le responsable pour qui ces accusations sont dépourvues de fondement. Il souligne : «Le décret portant la décision de création de ce CCP date de l'année passée, mais nous avons préféré attendre les vacances scolaires pour effectuer ce transfert afin de ne pas perturber les enfants.»
Pourtant, les témoignages se suivent et se complètent. Ils sont parfois d'une horreur absolue. Devant le micro, Mourad se livre avec confiance : «L'ancien directeur de l'établissement (qu'il cite nommément, ndlr) violait les enfants. Il m'a violé, m'a frappé et m'a volé. Il montait les enfants contre nous, pour qu'ils nous frappent et nous prennent la nourriture.
Pendant notre sommeil, ils nous frappaient à leur tour à coups de ceinture et de bâton. Ils nous prenaient nos affaires et les quelques sous en notre possession. Nwakal alihoum rabi.» Informé, le secrétaire général du ministère nous explique que le responsable accusé est resté peu de temps à la tête de cet établissement. «Le responsable cité s'occupe du Foyer des personnes âgées, il était à Hamma Bouziane, de mars à novembre 2016. Ils n'étaient plus des enfants sans défense à cette date-là.»
Mimoun, 16 ans, dit avoir gardé une rancune depuis son enfance à l'égard des gestionnaires de l'établissement. «Même si j'étais petit, je me rappelle de tout. Je regardais les adultes faire des choses devant les plus petits. Tout ce qui est répréhensible, comme la drogue qui se retrouvait dans ce centre. Les plus petits étaient utilisés pour cacher le kif dans les bureaux des enseignants.» Et de poursuivre : «Lorsqu'on faisait une réclamation pour la perte de nos affaires ou autre chose, l'ancien directeur n'hésitait pas à leur rapporter nos paroles pour que les autres se ruent sur nous. Notre scolarité aussi s'en est ressentie.
Les professeurs disaient ouvertement qu'ils n'avaient rien à faire de nous. Je n'ai pas voulu être éduqué de cette manière. Malheureusement, il n'y avait pas de modèle pour nous tirer vers le haut.» Pour sûr, il semble qu'il y ait eu un problème dans la prise en charge de ces enfants. Le ministère de la Solidarité a ouvert une enquête la semaine dernière, suite à la chute d'un enfant dans cet orphelinat. «Si les accusations d'abus sexuels se révèlent justes, le ministère prendra ses dispositions et la justice tranchera», indique Hamri Rabah.
«Dans tous les pays du monde, nous dit-on, les enfants nés de parents inconnus sont – parfois – difficiles à gérer.» Véritable enfer vécu par les pensionnaires de Hamma Bouziane ou simple chantage d'adolescents en perte de repères ? L'un dans l'autre, le résultat est le même : il y a indéniablement quelque chose de pourri dans l'orphelinat de Hamma Bouziane.


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