Ce fut, en fin de compte, une rencontre amputée d'une partie du temps qui lui était consacré initialement. Faute de temps, disait-on déjà mercredi à Amman au sujet de la rencontre entre le président américain George W. Bush et le Premier ministre irakien Nouri El Maliki qui s'est tenue jeudi. Avec au départ un avis foncièrement négatif sur l'interlocuteur de M. Bush que ce dernier a défendu en déclarant qu'il était l'homme de la situation. Et après dira-t-on, car le même jour était rendu public un avis d'experts demandant sans surprise le retrait américain d'Irak. Terrible dilemme pour George Bush dont la seule réaction était de prévenir qu'il ne fallait pas s'attendre à des préparatifs de « sortie honorable » du conflit. A l'entendre, et à bien analyser ses propos et sa situation, tout laisse comprendre qu'il avait engagé son pays dans un véritable engrenage duquel il était difficile, voire impossible de sortir sans dégât pour l'Amérique. « Nous resterons en Irak pour finir le travail, à la demande d'un gouvernement souverain élu par le peuple », a déclaré le président américain à l'issue d'entretiens à Amman avec le Premier ministre irakien Nouri Al Maliki. Un groupe indépendant coprésidé par l'ancien secrétaire d'Etat républicain James Baker et l'ancien élu démocrate Lee Hamilton doit publier le 6 décembre des recommandations. M. Bush a déjà indiqué à plusieurs reprises qu'il ne se sentait pas lié par les recommandations des divers groupes qui étudient actuellement les moyens de réviser la stratégie américaine en Irak. Parallèlement à l'évaluation menée par le groupe de M. Baker, le Pentagone est, lui-même, en train d'étudier les moyens d'adapter sa stratégie en Irak, de même que la Maison-Blanche qui a lancé une révision complète de la politique américaine alors que les violences confessionnelles incessantes ont mené le pays au bord de la guerre civile. « Il y a beaucoup de spéculations sur le fait que ces rapports à Washington feront croire à une sortie honorable d'Irak. Nous resterons en Irak tant que le travail ne sera pas fait, tant que le gouvernement nous demandera de rester », a déclaré M. Bush. « Cette histoire de sortie honorable n'est tout simplement pas réaliste. Nous aiderons ce gouvernement », a répété le président américain au cours d'une conférence de presse commune avec M. Maliki. Le Groupe d'études sur l'Irak de MM. Baker et Hamilton devrait prôner un retrait partiel des troupes américaines en Irak, selon le New York Times. « J'attends leurs recommandations. Je veux avoir leur avis avant de prendre des décisions sur nos ajustements stratégiques et tactiques en Irak, afin d'aider ce gouvernement à réussir », a indiqué M. Bush. Son conseiller à la Sécurité nationale Stephen Hadley a indiqué que le président américain déciderait « dans quelques semaines ». « Je pense (qu'une décision) sera une question de semaines plutôt que de mois. (Cette décision) sera prise quand le président se sentira prêt », a dit M. Hadley à bord d'Air Force One. Pour sa part, M. Maliki a affirmé que les forces irakiennes seraient prêtes à prendre en charge la sécurité du pays en juin 2007. « Je peux vous dire qu'en juin prochain nos forces seront prêtes », a déclaré le Premier ministre irakien à la chaîne américaine ABC News. Le groupe Baker-Hamilton devrait écarter un calendrier précis pour un retrait des troupes, que M. Bush rejette, mais affirmer que l'engagement des soldats américains en Irak ne devrait pas être indéfini. Le président américain a également montré ses réticences à suivre une autre des recommandations possibles du groupe : l'ouverture d'un dialogue avec ses ennemis jurés dans la région, l'Iran et la Syrie. « J'approuve l'opinion du Premier ministre (Maliki) selon laquelle les Irakiens sont parfaitement capables de s'occuper de leurs affaires et qu'ils n'ont pas besoin de l'ingérence de pays voisins qui pourraient déstabiliser le pays », a-t-il déclaré. Le président américain, qui reste commandant en chef du pays, n'est pas obligé de suivre les recommandations du groupe Baker-Hamilton, bien qu'il soit affaibli par la défaite électorale qui a permis à l'opposition démocrate, favorable à un retrait d'Irak, de prendre le contrôle du Congrès. L'ancien président démocrate Jimmy Carter a indiqué mardi sur CNN s'attendre à ce que M. Bush suive « autant que possible » ces recommandations. Mais « s'il y a des choses avec lesquelles il n'est pas d'accord, s'il peut sauver la face ou montrer son indépendance, rappeler qu'il est encore commandant en chef, il le fera », a-t-il ajouté. C'est ce que Bush vient de faire.