Le second tour des élections législatives en Mauritanie se tiendra aujourd'hui. Un tour décisif qui aura à sceller la composante de la future Assemblée nationale. Listes partisanes et 34 listes indépendantes se disputeront les 52 sièges en ballottage, répartis sur 33 circonscriptions. Douze circonscriptions seulement ont enregistré des victoires dès le premier tour, qui s'est déroulé le 19 novembre dernier. Cela a permis d'élire seulement 43 sur les 95 députés qui formeront la future Assemblée nationale. De ce premier « round » se sont néanmoins dégagées quatre tendances, chacune a son poids. La première est la Coalition des forces du changement démocratique (CFCD), bloc regroupant onze formations politiques qui a été créé en mai 2006 pour barrer la route à l'ex-parti au pouvoir. Elle est essentiellement composée des partis qui se sont, traditionnellement, opposés à l'ancien pouvoir de Mouaouya Ould Sid'Ahmed Taya tels que le Rassemblement des forces démocratiques (RFD) de Ahmed Ould Daddah, leader de l'ex-opposition et l'Alliance populaire progressiste (APP) de Messaoud Ould Boulkheir, porte-étendard des esclaves mauritaniens. Le second pôle n'est autre que le résidu des partis qui constituaient l'ancienne majorité présidentielle, à leur tête le Parti républicain démocratique et social (PRDS), devenu le Parti républicain pour la démocratie et le renouveau (PRDR). C'est, d'ailleurs, de cette ancienne majorité qu'est issu le gros des listes indépendantes qui forment actuellement le troisième pôle politique de la Mauritanie. Ces trois tendances ont toutefois quelque chose en commun : elles sont toutes des entités unitaires regroupant diverses sensibilités ethniques mauritaniennes. L'on trouve ainsi en leur sein des Baydane (Blancs), des Soninke, Wolof, toucouleur et Peuhl (Noirs) et des Harratine (anciens esclaves). A l'inverse, le quatrième pôle est constitué de partis à connotation ethnique ou religieuse. Parmi ceux-ci, l'on peut citer l'Alliance pour la justice et la démocratie (AJD), formation essentiellement composée de Négro-Mauritaniens, et le parti Sawab composé surtout d'Arabes anti-américains. Mais les mieux « lotis » sont les partis membres de la CFCD, laquelle s'est affirmée en tant que premier pôle politique de la Mauritanie, avec 26 députés au premier tour. Au sein même de cette coalition, le RFD s'est taillé la part du lion en se hissant au rang de premier parti politique mauritanien, avec 12 députés sur les 26 et plus d'un tiers des suffrages exprimés aux élections municipales en sa faveur. Outre ces résultats, le RFD est bien placé dans les principales circonscriptions concernées par le second tour. Vent des indépendants Le second tour reste néanmoins déterminant. Surtout que ni les indépendants ni l'ex-parti au pouvoir ne sont prêts à raccrocher ou à céder face à la fulgurante percée de la coalition en général et du RFD en particulier. Satisfaits des résultats obtenus lors du premier tour (près d'un tiers de voix en leur faveur), les indépendants, toutes listes confondues, se sont mis au travail d'alliance entre-eux mais aussi avec des listes du PRDR. Le rapprochement entre ces deux tendances constitue une source d'inquiétude pour les autres formations politiques engagées dans cette compétition, surtout celles de la coalition. Cela a, d'ailleurs, conduit certains partis à accuser le gouvernement d'avoir été derrière l'avènement de ces listes, qui sont essentiellement structurées autour de notables et de chefs de tribu. Le gouvernement, par la voix de son ministre de l'Intérieur, a cependant démenti ces « allégations » et écarté toute accointance avec ces listes. Le président du Conseil militaire pour la justice et la démocratie, Ely Ould Mohamed Vall, a expliqué, de son côté, que l'autorisation des candidatures indépendantes participe de l'approfondissement de la démocratie, la représentation citoyenne ne pouvant être laissée au monopole des formations politiques. Lors d'une intervention à la télévision mauritanienne, le chef de l'Etat a fait remarquer que les candidats indépendants sont des catégories. Il y a, selon lui, « des indépendants vraiment indépendants, des indépendants dépendants et des indépendants affiliés à des groupuscules politiques ». A ses yeux, ces candidats ne peuvent nullement surclasser les partis politiques forts de leurs structures, leurs militants et leurs relais. Pour rassurer davantage les partis, le ministre de l'Intérieur, Mohamed Ahmed Ould Mohamed Lemine, a tenu une série de rencontres avec leurs représentants où il s'est montré très attentif à leurs doléances et aux défaillances relevées dans le dispositif organisationnel du premier tour. Entre autres failles, les difficultés résultant de l'utilisation d'un bulletin unique qui, selon les partis, est la première cause du taux élevé de bulletins nuls (17% des suffrages exprimés dans les législatives). Le ministre de l'Intérieur a promis de tenir compte des lacunes soulevées par les différentes parties en compétition pour le second tour. Les partis politiques, qui ont unanimement reconnu la transparence et la neutralité de l'administration lors du premier tour, souhaitent que ce soit de même pour le second et que les erreurs passées ne se reproduisent pas.