Il est connu que la monarchie marocaine ne peut vivre que dans un climat de tension avec l'Algérie. Pour faire diversion et détourner l'attention de l'opinion du peuple, il n'y a pas mieux que de lui inventer un ennemi extérieur. Il a fallu une déclaration du ministre des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel, disant certaines vérités sur le royaume, pour que le makhzen monte sur ses grands chevaux. Messahel n'a fait qu'asséner des vérités crues dans un langage qui a peut-être surpris parce que les Algériens sont au fait qu'on ménageait le voisin de l'Ouest, malgré ses sempiternelles récriminations contre notre pays. Notre ministre n'a rien dit qui n'est pas connu, le monde entier sait que le Maroc est un narco-Etat. L'Office des Nations unies contre la drogue et le crime signale depuis 2004 dans ses rapports annuels, et ce n'est pas Messahel qui le dit, que le royaume alaouite est le premier exportateur mondial de drogue. Et c'est le palais royal qui en est le principal producteur. Au début des années 1980, le roi Hassan II avait fait une déclaration dans laquelle il apportait son soutien aux revendications espagnoles sur Gibraltar, sous administration britannique depuis le XVIe siècle, alors qu'il n'avait jamais revendiqué officiellement les enclaves de Ceuta et Mellila sous domination de l'Espagne. Il voulait faire plaisir à Madrid afin d'obtenir ses faveurs dans le dossier du Sahara occidental. Mal lui en prit. Le lendemain, toute la presse anglaise sort un dossier dans lequel elle révèle que le monarque alaouite est le principal cultivateur de cannabis au Maroc et grand exportateur à travers le monde. On s'attendait à une réaction violente du palais. Il n'en fut rien. Les Marocains se sont mis à faire le dos rond. L'accusation était extrêmement grave. Or, il n'y a même pas eu la menace de rappel de l'ambassadeur du royaume à Londres. La presse marocaine s'était bien gardée de répondre et bien sûr n'a pas dit mot sur les révélations sur la qualité de narco-trafiquant de son monarque. Preuve que les Anglais avaient visé juste. L'absence de réaction est à comparer avec l'hystérie qui s'est emparée du royaume après les propos de Messahel, lesquels pourtant ne sont qu'une infime partie de la vérité sur le royaume du cannabis. L'ancien commissaire marocain Boukhari, qui avait écrit en 2002 un livre sur l'assassinat de Mehdi Ben Barka, avait lui aussi apporté son lot de précisions sur la gestion du trafic de drogue par le palais. Il se cache quelque part en Europe pour échapper à l'assassinat, connaissant très bien les mœurs politiques de son pays, digne des intrigues des cours du Moyen-Age. L'indignation sélective de Rabat aujourd'hui n'est que de la poudre aux yeux pour mobiliser le peuple marocain contre les Algériens. Une chose est certaine, personne n'a intérêt à aller au-delà des paroles.