La directrice de publication du quotidien arabophone El Fadjr, Hadda Hazem, a entamé depuis hier une grève de la faim pour protester contre la décision des pouvoirs publics de la priver de publicité, depuis plus de 3 mois. Asphyxiée financièrement, la direction a décidé une série de mesures pour tenter de sauver la soixantaine d'emplois menacés par la situation de crise que vit le journal. Ces derniers mois, la direction a décidé de réduire le tirage, il est passé à 5000 exemplaires, mettre en place un système de brigades et réduire de 50% les salaires des employés, mais toutes ces mesures ne sont pas de nature à permettre au quotidien d'espérer de continuer à paraître. L'affaire El Fadjr rappelle la gestion inique de la manne publicitaire mise en place par les pouvoirs publics pour mieux contrôler la presse. En 2013, le site en ligne algériepatriotique avait mis en lumière ces dérives en révélant les pratiques dont avait bénéficiées le quotidien El Adjwa, dans ses versions arabe et française et son édition sportive. Propriétés de feu Miloud Chorfi, ex-porte-parole du RND, qui présida la Haute autorité de l'audiovisuel (ARAV) entre 2014 et 2016, puis nommé sénateur dans le tiers présidentiel en 2017, le journal bénéficia des complicités d'importants membres des services de sécurité pour s'accaparer des centaines de milliards de centimes en publicité. A l'époque, le journal roulait pour Ahmed Ouyahia et Miloud Chorfi qui était soupçonné d'en être le propriétaire. A l'instar de Sawt El Ahrar, l'organe du FLN, le quotidien s'était spécialisé dans la couverture des activités du parti en prenant soin de soigner l'image du Premier ministre. Les révélations d'algériepatriotique établissaient comment El Adjwa avait amassé, entre janvier 2011 et septembre 2012, plus de 113 milliards de centimes (l'équivalent de 5 milliards par mois) en publicité. Une révélation d'autant plus scandaleuse, lorsqu'on compare les tirages du quotidien aux largesses accordées en termes de publicité. En réalité, les chiffres révélés démontraient comment des responsables sont parvenus à détourner de l'argent par le biais de la publicité. D'importantes personnalités du système se sont accaparées l'argent des collectivités locales et des entreprises publiques en créant plusieurs journaux afin de mettre la main sur les annonces légales via l'Agence nationale d'édition et de publicité (Anep). Au départ, l'ANEP, à la faveur d'une décision de l'Etat instaurant un monopole sur la publicité institutionnelle, devait gérer la publicité de toutes les entités publiques, qu'elles soient administratives ou économiques. A l'origine, cette décision signée par l'ancien chef de gouvernement, Ahmed Ouyahia, visait à réguler ce marché lucratif, afin d'aider la presse en manque d'annonceurs privés et renflouer les caisses des journaux publics, mais très vite cette manne financière a été détournée de sa vocation première, avec l'aval, comme le laissait entendre le site en ligne, du colonel Fawzi, en charge à l'époque du Centre de la communication et de la documentation (CCD), rattaché au DRS. Une entité qui contrôlait la presse et la répartition de la manne publicitaire, dissoute à la suite de la réorganisation des services de sécurité après le départ à la retraite du général-major Mohamed Mediène, dit -Toufik.