Rompant avec une ligne suivie par tous ses prédécesseurs, le président américain, Donald Trump, n'exclut pas d'appliquer un vote du Congrès de son pays appelant, en 1995, les Etats-Unis à déménager leur ambassade en Israël vers El Qods, que l'on sait occupée et dont l'annexion a été frappée de nullité par l'ONU et ses différentes institutions. La Maison-Blanche a fait savoir, lundi, que la décision de M. Trump a été reportée et que «le Président a été clair sur cette affaire depuis le départ : ce n'est pas une question de si, c'est une question de quand». Autant dire qu'elle a été tranchée. Voilà donc une rupture que beaucoup jugent dangereuse avec ce qu'elle pourrait avoir comme conséquences. Il s'agit tout d'abord d'un parti pris devenu évident, et un cas isolé, puisque pas le moindre Etat, parmi tous ceux qui entretiennent des relations avec Israël, n'a pris une telle décision. Notons, dans ce même contexte, qu'une clause permet aux Présidents de repousser son application pour six mois, en vertu «d'intérêts de sécurité nationale». Et c'est justement ce qui avait été mis en avant, jusque et y compris par les militaires américains, ce qui est plutôt rare, étant tenus éloignés de la sphère politique. Avec cette intervention remarquée du général David Petraus déclarant devant la commission des armées du Sénat, le 17 mars 2010, que la colère du monde arabe nourrie par la situation dans les Territoires palestiniens a un effet négatif sur les actions américaines dans toute la région, et cela après avoir affirmé au mois de janvier précédent que l'obstination israélienne portait atteinte à la crédibilité américaine au Moyen-Orient. C'est à cette même époque qu'a été divulguée une approche américaine intitulée «Document Pickering», préparé par un groupe d'experts dirigé par Thomas Pickering, ancien ambassadeur, et à la rédaction duquel des militaires ont été associés. Selon ce texte, Washington doit désormais partir du principe que son implication dans la résolution du conflit du Proche-Orient relève de l'intérêt stratégique supérieur des Etats-Unis. Ce qui supposerait des préalables, mais on en est loin. C'est véritablement la rupture, et une telle éventualité a été envisagée dès janvier dernier par le président de l'Autorité palestinienne, qui avait alors estimé que «ce geste priverait les Etats-Unis de toute légitimité à jouer un rôle dans la résolution du conflit (et) réduirait à néant la solution à deux Etats». Mahmoud Abbas a ajouté que «plusieurs options s'offriraient alors à nous, comme celle qui consiste à revenir sur notre reconnaissance de l'Etat d'Israël». Son porte-parole a prévenu, dès février dernier, que si cette mesure venait à être prise, elle «détruirait le processus de paix» et pourrait mener au moins à une nouvelle Intifada. Le président turc a averti, quant à lui, hier, que le statut d'El Qods était «une ligne rouge» pour les musulmans, évoquant une possible rupture diplomatique avec Israël, si Washington devait reconnaître la Ville sainte comme capitale. «En tant que président en exercice de l'OCI (Organisation de la coopération islamique), nous allons suivre cette question jusqu'au bout. Si une telle décision est prise, nous réunirons sous 5 ou 10 jours un sommet des leaders de l'OCI à Istanbul (...). Nous mettrons en mouvement tout le monde musulman lors de ce sommet», a-t-il dit encore. Autant dire alors que de telles questions ne sont pas uniquement sensibles, mais elles accentuent le désespoir. Même les Israéliens n'hésitent plus à parler en ces termes. Comme cet ancien chef des services secrets qui soulignait que «les Israéliens auront de la sécurité, lorsque les Palestiniens auront de l'espoir». Même l'Europe partage cette crainte en déclarant que cette décision, si elle venait réellement à être prise, «pourrait avoir de graves répercussions sur l'opinion publique dans des parties entières du monde». Le propos est clair.