- Le ministre du Commerce, Mohamed Benmeradi, a annoncé la non-reconduction des licences d'importation — sauf pour les véhicules — en 2018. Comment évaluez-vous l'impact de cette mesure sur l'économie nationale ? Le système des licences à l'importation et à l'exportation, introduit par le décret exécutif n°15-306 du 6 décembre 2015 et entré en application en 2016, a touché en réalité un nombre restreint de produits en provenance de l'étranger. La preuve, la facture des importations reste encore à un niveau élevé et le déficit commercial devient inquiétant. Par ailleurs, le système des licences est décrié surtout par les opérateurs économiques pour sa nature à la fois rigide et non transparente. Il n'est pas optimal pour l'économie nationale car il implique une hausse des prix, des situations de rente pour certains privilégiés, ainsi que des pénuries dans les circuits de distribution. Enfin, il y a quelques jours, une session d'évaluation de l'accord d'association entre l'Algérie et l'Union européenne a eu lieu et il se pourrait que la question des licences à l'importation soit soulevée par les partenaires commerciaux européens. En y regardant de plus près, les pouvoirs publics semblent très préoccupés par la structure du commerce extérieur et le risque de voir se détériorer davantage le niveau des réserves de change. Pour cette raison, un ensemble de mesures touchant les importations sont prises par la Banque d'Algérie pour justement rendre difficile l'accès au financement en devises. Les nouveautés qui seront introduites par la loi de finances 2018 viseront aussi à restreindre le volume des achats de l'étranger. Globalement, ce n'est qu'avec la diversification de l'économie nationale ainsi que d'autres réformes, que la situation économique pourra s'améliorer, dont le commerce extérieur. Pour le moment, il faut parer au plus urgent, c'est-à-dire préserver les réserves de change car il s'agit de la signature de l'Algérie ainsi que de sa crédibilité vis-à-vis de ses partenaires étrangers. - Neuf cents produits seront interdits à l'importation. Cette mesure bénéficiera-t-elle réellement à la production nationale ? Des ruptures de disponibilité de certains produits ne sont-elles pas à craindre ? S'il y a interdiction à l'importation d'un certain nombre de produits, ce sera fait dans le cadre d'un article de la loi de finances 2018 instituant des mesures de restriction devant permettre de faire face à la détérioration de la balance des paiements. Evidemment, il est de la responsabilité des pouvoirs publics de cibler les produits concernés. A voir la structure par produits de nos importations, il est facile de constater qu'un grand nombre de biens importés de l'étranger sont futiles pour les consommateurs, voire leur portent préjudice, comme c'est le cas pour les produits de contrefaçon, etc. Avec l'adoption du système harmonisé à dix chiffres portant classification douanière des produits, la tâche peut être aisée. - Le ministre du Commerce a également rappelé les mesures fiscales introduites par la loi de finances 2018. Quelle est votre lecture de cette démarche ? La loi de finances 2018 introduit un changement dans la structure du tarif douanier adopté en 2001 et comprenant quatre quotités (0%, 5%, 15% et 30%). Il s'agit de l'ajout d'une quotité de 60% de droit de douane (ad valorem) qui concernera un nombre très restreint de produits et dont la finalité est de protéger la production nationale. D'autres produits seront concernés par la taxe intérieure de consommation (TIC) qui cible beaucoup plus les produits dits de luxe. Enfin, il y aura une hausse conséquente de la taxe sur les produits pétroliers (TPP) qui touchera les carburants (essence et gasoil). L'ensemble de ces droits de douane et taxes aura deux effets immédiats : améliorer la fiscalité douanière d'une part et décourager la consommation de ces produits à cause des prix élevés d'autre part, sans pour cela qu'une pénurie soit visible sur le marché.