«Tamazight : état des lieux et attentes» a été la thématique développée, samedi, au Café littéraire de Béjaïa par Mohammed Adjal, enseignant de tamazight, et Djamel Ikhloufi, chargé à la formation des enseignants de tamazight. Les conférenciers ont choisi le langage des chiffres tout en s'appuyant sur leur expérience sur le terrain pour présenter l'état des lieux de l'enseignement de tamazight en Algérie. Les données qui ont été communiquées déconstruisent le discours des pouvoirs publics qui renvoie une situation de prise en charge «positive» de l'enseignement de cette langue. Mohammed Adjal a estimé que «pour mieux mesurer et cerner la situation de l'enseignement de cette langue, que les autorités se targuent d'avoir dotée en moyens humains, matériels et financiers, il suffit d'analyser son évolution en dehors des régions berbérophones». Il parle d'une dotation de 2757 enseignants seulement à travers le pays, ce qui représente 0,56% du nombre total des enseignants. Ceux-là, ajoute-t-il, «sont répartis sur les 38 wilayas. Dans certaines, on retrouve des wilayas comme Tindouf, Biskra, Oran, Tamanrasset et Alger, avec respectivement 1, 2, 5, 24 et 36 professeurs». Le conférencier a énuméré des problèmes liés à la situation socio-pédagogique des enseignants, qui souffrent de l'indisponibilité du livre scolaire, de l'encadrement et de formation. «Faisant partie en majorité de la Kabylie, ces enseignants trouvent beaucoup de difficultés sur le plan de l'hébergement. Certains, pour compléter leurs volumes horaires, sont contraints de se déplacer dans 3 à 4 écoles à leurs frais, sachant que les nouveaux profs ne sont rémunérés qu'après plusieurs mois d'exercice dans un environnement très souvent hostile», affirme-t-il. Djamel Ikhloufi atteste que «la loi sur l'orientation scolaire élaborée en 2008 est à l'origine de ces maux, en plus du fait qu'elle véhicule l'esprit du caractère facultatif de l'enseignement de tamazight, car elle n'a pas pris en considération le statut de langue nationale consacré en 2002». Pour lui, l'absence d'une volonté politique se cristallise dans la maigre dotation budgétaire de 2017-2018, où «le taux de postes budgétaires créés pour cette langue est de 0,59%, soit 59 postes sur 10 000, dont 31 en Kabylie». La généralisation de la langue, selon l'administration, touche 343 725 élèves, ce qui représente une taux insignifiant de 3,15% d'Algériens seulement qui suivent des cours en tamazight, ajoute l'orateur. Pour conclure, Djamel Ikhloufi pense qu'il «faut en premier lieu un amendement de la loi d'orientation sur l'éducation et la promulgation d'une loi organique cadre pour la promotion de tamazight», avant de lier le retard dans la promotion de tamazight «qui n'est pas une question ethnique, à la politique et à l'idiologie arabo-islamique».